We're gonna groove
Pablo : Claudio on a un souci.
Claudio : Oui Pablo, après celui des certifications, un deuxième fléau guette le mouvement agile : le fléau des évaluations. On veut connaître son niveau d’agilité, savoir si on a une plus grosse agilité que son voisin ou son concurrent.
Pablo : Ah mais il m’arrive d’ “auditer” l’agilité d’entreprises.
Claudio : Moi aussi ces dernières années, j’ai pratiqué de nombreuses évaluations ou audits “agiles”, j’ai réfléchi à la façon de les mener, notamment avec Alexandre Boutin, j’ai discuté avec des gens que cherchaient à définir un modèle d’évaluation agile. J’ai lu de nombreuses propositions de modèles, le dernier en date étant celui du Cigref, inutilisable de mon point de vue. J’en suis arrivé à la conclusion suivante : ce qui compte, ce n’est pas tant de savoir où on est, mais la route à suivre. L’agilité est un voyage. Attention, il me paraît légitime de s’évaluer dans le but de progresser. Mais rester dans les schémas classiques de l’évaluation et les appliquer à l’agilité, c’est là que se situe le danger.
Pablo : Oui naturellement pas aisé d’ “auditer” en quelque sorte quelque chose qui par définition d’une part émerge et est contextuel et d’autre part se base autant sur des indicateurs du cerveau gauche que droit : vulnérabilité, émotion, ressenti, valeurs, culture, etc. J’aime bien le “scorecard” de Spotify, ou le tableau présenté par Olaf Lewitz et Michael Sahota autour des niveaux de “Reinventing Organisations”, je me sers de ces deux éléments.
Claudio : C’est avec cette idée que je me suis intéressé au modèle Agile Fluency, dès qu’il est sorti. J’ai essayé de me l’approprier. J’ai aussi tenté de le partager avec d’autres. Il n’est pas si facile à appréhender, et cela n’a pas bien marché, les gens n’ont pas adhéré. Sauf avec toi, Pablo. Nous avons présenté le modèle dès le premier Raid Agile et depuis le dernier, nous avons carrément décidé d’y consacrer un atelier, basé sur celui présenté chez Spotify et Crisp.
Pablo : Je dois t’avouer que depuis que tu m’as présenté Agile Fluency je l’utilise fréquemment, pour des évaluations ou des audits, ou pour démarrer mes cycles d’"Open Adoption" (cycles que je fais désormais de plus en plus de façon mensuel ou bimestriel, et hors des contrées informatiques, mais c’est un autre sujet).
Claudio : Oui, c’est un atelier qui fait réfléchir à là où on est (mais sans niveau d’agilité) et surtout à là ou on veut aller (mais sans marche forcée à utiliser plein de nouvelles pratiques agiles). Nous allons le “customizer” un peu plus pour le prochain Raid, celui d’avril.
Pablo : Oui j’aime bien l’idée d’espaces d’expression au lieu des niveaux. Un peu comme une carte avec différents paysages, à savoir si vous voulez bâtir un royaume, ou simplement vous sentir bien dans votre région. Il n’y a pas de meilleure réponse.
Claudio : C’est un atelier qui parle de musique (il y est donc question de Led Zeppelin). Il faut lui donner un nom à cet atelier. Je te propose la route du groove agile. Groove parce que musique, groove parce que c’est une sensation, une dynamique qui correspond bien à une équipe Scrum épanouie. Ou tout simplement “groove”. Qu’en dis-tu ? Les Raiders repartiront avec leur feuille de route vers le groove agile.
Pablo : Ah difficile de résister à notre passion commune pour le dirigeable. Tant qu’a y être reprenons un de ses titres (même si c’est une reprise) : “We’re gonna groove”, et ne customizons pas, remasterisons. J’aime bien l’idée de “groove” elle se rapproche de l’idée de “performing” ce dernier niveau de dynamique d’équipe, quand tout semble s’emboiter naturellement, quand il y a une intuition partagée, une résonance limbique dirait Daniel Goleman. Et le groove c’est pareil, c’est là, tu dois remuer, bouger, c’est intuitif. Et tout le groupe se met à remuer.
Claude : Le groove, c’est quand on arrive à faire les choses ensemble sans s’en rendre compte, cela devient de la routine, et qu’on peut prendre des initiatives pour aller plus loin. Improviser tout en restant dans la dynamique d’équipe. Pour le rugby on dirait, pour reprendre Pierre Villepreux, l’intelligence situationnelle.
Pablo : Y’a un magazine très connu sur Led Zep qui s’appelle Tight But Loose, avant il était papier, maintenant il est web. C’est comme cela que l’on appelait la façon de faire des concerts du Zeppelin : Tight But Loose : serré mais lâche (relaché) à la fois. On est carré, mais dedans on est libre. Bref je faisais de l’agilité en 1997 en faisant cela : Zepablo’s Led Zeppelin :) (quiz : trouvez ma photo avec Page & Plant).
Claudio : Allez, puisqu’on est dans les confidences, j’étais déjà agile il y a bien plus longtemps encore, en escaladant le grillage pour assister au concert de Led Zeppelin au Parc des Expos de Nancy :)
Pablo : J’ai aussi beaucoup apprécié les interrogations soulevées par l’atelier, la dernière fois que je l’ai proposé j’ai simplement posé les feuilles que nous avons adaptées sur la table et j’ai demandé aux gens de fabriquer quelque chose avec. Toutes les questions qui ont émergé m’ont semblé bonnes.
Claudio : “Agile Fluency” n’est pas si simple à appréhender. Avec cet atelier, qui s’appelle donc “we’re gonna groove”, le cadre du jeu favorise cette émergence, qui est renforcée par la métaphore musicale.
Pablo : Comme je te le disais dans le cadre d’un transformation agile avec des équipes qui pratiquent déjà c’est un formidable point de départ pour des cycles d’Open Adoption. On obtient un paysage intéressant, une carte, un point de départ passionnant pour expérimenter. Mais la carte n’est pas le territoire, ne l’oublions pas, les discussions vont émerger là : les pratiques c’est la carte, le territoire c’est les valeurs, la culture, la pensée agile, et comment elles se traduisent au quotidien.
Claudio : J’ai essayé de présenter cette articulation (notamment Agile Fluency, Open Adoption) dans le chapitre 22 de la dernière édition de mon livre, “Transformer les organisations”, que tu m’as d’ailleurs aidé à structurer. L’atelier We’re gonna groove rend cette approche accessible et actionnable.
Pablo : Au raid, on profite aussi de l’atelier “Scierie à pratiques” pour instancier la liste des pratiques. La liste fournie initialement par l’atelier est très orienté “spotify”, donc très devops. C’est intéressant mais pas forcément adapté à tous. On peut aussi plonger dans la liste que tu proposes dans ton livre, elle est pléthorique.
Bon eh bien écoute je suis ravi de savoir que nous allons avancer sur ce thème ensemble. Rendez vous du 19 au 22 avril au Raid Agile.
Led Zeppelin We’re gonna groove lors de l’extraordinaire concert au Royal Albert Hall 1970.
(article co-signé Claude Aubry & Pablo Pernot)