Scrummasters, imaginez que vous êtes moi
Devenir scrummaster c’est souvent changer de point de vue. La neutralité et la transparence sont un prérequis. Pour citer André Comte-Sponville : “là où croît la complexité croissent aussi les exigences de clarté et de distinction” (que je pourrais détourner ainsi : dans le monde complexe de l’agile la transparence et la séparation des rôles et des responsabilités garantissent son bon fonctionnement).
Car contrairement à ce que beaucoup de gens imaginent : éduquer les gens à l’agilité c’est évoluer dans un monde complexe. Scrummaster c’est s’assurer que les contraintes libératrices nécessaires à l’émergence des pratiques agiles sont présentes et adaptées. C’est ordonner (ordre et rigueur dans l’agile) le conteneur qui va permettre au système et à ses agents (à l’organisation et à ses membres) de “co-évoluer” (pour reprendre le terme de Dave Snowden, vidéo de ALE 2011).
Souvent je suis confronté à des futur scrummasters très impliqués ( dans un sens très opérationnel) dans les projets,. Souvent car ces personnes connaissent parfaitement leur organisation, leurs projets et qu’elles ont un avis -souvent bon- sur beaucoup de choses. Tout cela est positif mais finalement peut beaucoup nuir à leur rôle, toutes ces compétences et connaissances seront peut-être trop envahissantes.
Pour mieux appréhender ce nouveau rôle de scrummaster je peux leur conseiller ce petit jeu : essayez pendant quelques minutes d’être moi. Vous êtes moi (je m’amuse mais ce n’est pas un exercice pour amplifier encore mon égo démesuré). C’est à dire quelqu’un qui va être coach, scrummaster, facilitateur, dans une société qu’il ne connait pas (imaginez que vous ne connaissiez ni la structure, ni son passé, ni les gens, etc.. je sais c’est dur, le conditionnement est un ennemi implacable).
Donc, vous êtes moi débarquant chez vous :
En quoi suis-je légitime pour savoir quel est le besoin du product owner ? (mon rôle est d’accompagner le product owner à mieux/bien exprimer son besoin).
En quoi suis-je légitime pour m’engager à la place de l’équipe sur le scope qu’elle va délivrer ? (mon rôle est de m’assurer que l’équipe s’est engagé en toute connaissance avec honnêteté, au plus juste).
En quoi suis-je légitime pour avoir un avis sur les estimations de l’équipe ? (mon rôle est de m’assurer que l’équipe fournit les estimations qu’elle juge réalistes, potentiellement de m’assurer que tous les membres de l’équipe ont pu s’exprimer -et encore là je touche une limite-)
En quoi suis-je légitime pour arbitrer certains choix durant l’itération ? (mon rôle est de m’assurer que les rôles et responsabilités de chacun des acteurs sont bien respectés, ou dans le cas contraire que ces choix ont été connus, analysés, validés par les acteurs du projet en toutes connaissances de cause).
En quoi suis-je légitime pour affecter des tâches à certains membres de l’équipe ? (je n’ai aucun rôle à ce sujet, généralement je leur suggére de décrire les tâches nécessaires à la réussite du projet, de l’itération, de l’objectif car cet effort de “design” est reconnu comme une aide depuis les règles de la méthode de Descartes)
etcetera etcetera
Cette distanciation aide à mieux appréhender le rôle de scrummaster. Elle est nécessaire pour véritablement libérer les équipes. Et le plaisir que vous aurez à observer cette libération est plus bien agréable que le plaisir plus simple et plus immédiat d’un passage à l’acte en lieu et place de l’équipe.