Les architectes. Soupire. Sourire.

“J’ai de bons copains architectes, mais la grande majorité” furent de vrais emm… (pain in the ass) à la grande époque où le mot agilité avait bonne presse.

Ils étaient ceux qui voulaient tout prévoir à l’avance (le mortel big up front design), les plus cartésiens des cartésiens, les découpeurs de cheveux en 512kb, ceux qui voulaient décider de tout sans jamais se mouiller, tranquilles, dans leurs tours d’ivoire. Majoritairement les anti-agiles.

Oui je caricature – juste un peu – la grande majorité, pas tous. Et ceux qui sortaient de ces travers n’en avaient encore que plus de valeur à mes yeux. On a toujours beaucoup aimé les architectes qui mettaient les mains dedans.

Mais beaucoup à l’époque (2005-2020) étaient des freins. Has been. Jusqu’à aujourd’hui.

Aujourd’hui beaucoup continuent de s’égarer (à mes yeux), mais je les regarde avec tendresse, car aujourd’hui, ils ne se trompent pas sur le fond, mais sur le rythme, bref ils défendent l’agile quand plus personne ne le défend ou n’en parle.

C’est un secret de polichinelle, l’agile garde tout son intérêt et sa force aujourd’hui. Seulement il a été si mal compris, si mal utilisé, si mal enseigné (ça fait flipper l’état de la compréhension de l’agilité en sortie d’école1) que son mot aujourd’hui est vidé de son sens réel.

Mais bon, vu l’incompréhension totale, le déni, qui règne autour, commencer à annoncer le retour, ou la force de l’architecture avec l’agilité, comment dire ? C’est vrai, mais c’est tellement à contre-courant que je crains que cela soit contre-productif pour eux. Cependant, que désormais la majorité soit acquise à ces approches émergentes, dynamiques, me fait assez plaisir, et je félicite cette majorité d’architectes.

Pourtant, le retour réel des architectes est bien là. Il se trouve dans l’IA2.

L’IA nous appelle à prolonger le mode de pensée agile technique (et produit car tout est lié): modularisation, émergence, automatisation, réduction maximum des dépendances, etc. KISS (keep it simple stupid), YAGNI (you ain’t gonna need it), OAOO (one and only one) n’ont jamais été aussi importants.

Ce n’est pas un retour à leurs croyances d’antan : le big up front end, le design ultra cartésien, la tour d’ivoire. C’est bien mieux, c’est le retour de l’importance vitale de leurs compétences.

Compétence à préparer et entretenir un cadre : modularisation, automatisation, règles de codages, sélection dans le choix des éléments techniques, DDD, stratégie d’automatisation des tests, etc. En un mot, tout ce qui encadre le travail encore sauvage de l’IA (jusqu’à quand ?). Encadrer les boites noires créées par l’IA pour contenir les risques. Encadrer, encore une fois, cela veut dire : KISS, YAGNI, OAOO, modulariser, justement pas de big, pas de massif.

Tout ce qui finalement encadre le code. Avant, ce code, nous le produisions, et nous définissions en même temps ce cadre, et le faisions évoluer, avec probablement de grandes lignes directrices déjà tracées, des convictions annoncées. Aujourd’hui le code nous échappe, le cadre reprend du poids. Il ne s’agit pas de le rigidifier, mais d’avoir une vraie expertise à son sujet. C’est le rôle des architectes.

Cela veut dire aussi s’occuper de la montée en compétence des juniors, des débutants, qui sont à ce jour les laissés pour compte de l’IA.

Ce retour, je le fête aussi en m’associant avec Jérémie Grodziski et David Panza dans une aventure IA avec une approche de bout en bout : de l’idée à la mesure d’impact (organisation, product management, architecture, développement, mesures, données). Dont les premiers pas ont lieu maintenant : https://fastandslow.fr.

Vive les architectes (je nierai avoir écrit cela).


  1. Je me suis introduit dans une conversation sur mastodon qui évoquait gantt et agilité, on m’a rétorqué quand j’ai confirmé qu’associer les deux était “fractalement con” (expression pas de mon crue malheureusement), que “non je ne comprenais pas manifestement pas gantt, waterfall et l’agilité, que je mélangeais tout”. J’avoue, j’ai apprécié, une sorte de prise de recul avec beaucoup de délectation. ↩︎

  2. Pas de débat sur l’IA dans cet article svp. Abime mortel et puissance hypnotique. Je fais le choix, vu mon parcours, l’évolution de ma pensée, ma situation, étant au cœur de la fabrication de logiciel, étant ce que j’estime être: très équipé pour les réflexions organisationnelles et produit, d’utiliser l’IA pour aller encore plus loin. Et cela en n’étant pas ignorant des dissonances cognitives fortes avec d’autres de mes idéaux. Je vis avec ces démons. Je vous laisse les vôtres, ce n’est pas le sujet ici. ↩︎