Scrummaster en détresse
Cette semaine, un scrummaster avancé en détresse. Il vient d’un autre milieu que la facilitation, le coaching, et il vient de se prendre de plein fouet la réalité, comme dans ces vieux manèges “palais des glaces”, boom, comme John Lee Hooker, boom boom. Une grande conversation se lance. Pour certains acteurs externes qui nous observent : “il est triste de voir ce que ce système fait aux sm/coach/aux passionnés d’excellence. Il est dur.” Mais c’est le coeur de notre métier, c’est çà que l’on aime, c’est exactement ce que ne voient pas tous les gens qui critiquent le coaching.
En tous cas, là, j’ai un scrummaster avancé à terre. Avec tous les symptômes du désarroi. Il s’est complètement enfermé dans ses croyances, pour lui c’est la double peine. Il a vécu une chose très dure (et inadmissible) : se faire engueuler comme un malpropre sans aucune raison valable. Je lui demande depuis un moment de faire de l’intervision au sein du groupe, car je flaire que le contexte n’est pas simple et qu’il a besoin de soutien. Mais malheureusement il fait cela trop tard peut-être. Je ne suis pas le plus affable dans mon soutien : il a attendu trop tard, il aura la vérité. Et je pense que c’est ce dont il a besoin, la vérité (la mienne), sur le contexte, et son action, quitte à lui refaire prendre une porte (c’est parce que je l’estime que je le confronte, et confrontation n’est pas malveillance ou violence).
Je dis d’abord à cette personne : recule, respire, laisse passer le temps, laisse pisser.
Ce que je retiens de ce contexte qui ressemble à beaucoup d’autres : c’est la jungle, la foire aux gros bras, aux injonctions contradictoires, aux jeux de dupes. Équipes scrum. Tout le monde se bat sur la vélocité, la capacité, les estimations, la pression est très présente. Dans ce cas là, arrêtez vos simagrées, arrêtez vos beaux discours, arrêtez votre beau vocabulaire, arrêtez vos définitions de guru (sur la DOR, la systémie, ou sur la beauté de tel ou tel type de sprint). Revenez à quelque chose de très concret. Du concret. J’explique cela. On me répond “Mais le CFD montre que les story points…”. Non le CFD (Cumulative Flow Diagram) est illisible. Un enfant de 8 ans ne saurait absolument rien en dire. “Tu me fais chier avec ton enfant de 8 ans”. Peut-être, mais croyez-moi, si cet enfant ne sait pas le lire, votre truc n’est véritablement pas fait pour communiquer quoi que ce soit avec qui que ce soit. Revenez sur terre, faut arrêter vos conneries d’ingénieurs hors-sol. Et puis les “story points” cela ne veut rien dire. Donnez moi quelque chose de concret. En parlant “story points” dans un contexte délétère, vous parlez dans le vide. Chaos, affrontement : on repart sur la base, le concret. Nils complète le propos dans la conversation, “repars sur des basiques, de la discipline, de l’hygiène”.
Cela serait quoi ? Une chose que je demande toujours quand j’accompagne une équipe scrum, et que je vois trop peu de gens faire, ni peu de gens écrire dessus. Pour moi ça marche très bien à chaque fois. Vous savez quoi ? Ni théorie, Ni vision, Ni valeur, rien. nada. Juste afficher ce qui se passe.. Cela veut dire quoi ? À chaque début d’itération, l’équipe découpe en tâches tout ce qu’elle va faire, ou qu’elle fait. On essaye de limiter chaque élément à un truc pas trop gros (sans autre forme de précision). Et puis on voit. Un tableau à faire, en cours, fini, comme d’habitude. Une courbe qui montre que le nombre d’éléments à faire descend au fil des jours, ou monte quand on découvre d’autres éléments, ou reste plate quand on ne finit rien. PAS DE THÉORIE, PAS DE CONCEPTS (story points, dor, cfd, systémie, etc.) juste afficher ce qui se passe, et dire à haute voix ce qui se passe. Discipline, hygiène, c’est les bons mots. Et neutralité. Voilà ce qui se passe. Laissez les jeux de dupes s’écraser sur cette réalité.
Ne mettez pas des anglicismes ou des mots anglais dans vos propos ! Cela cache des concepts qui vont vous piéger (oui vous pouvez vous moquer de mon titre d’article).
L’équipe n’aime pas découper. C’est fatiguant cela demande du jus de cerveau. Ils n’aiment pas. Ils sont flemmards comme nous tous. Et aussi ils n’aiment pas s’afficher auprès des autres membres de l’équipe, ils préfèrent la douceur de l’obscurité. Pourtant cela génère une belle dynamique d’équipe (et dans leur obscurité ils n’entendent pas que l’on parle d’eux). Et aussi ils ont peur, avec raison, de se faire surveiller, et tancer le cas échéant. Pour cela : cette découpe et ce graphe sont éphémères : à la fin de l’itération, ils disparaissent. Et personne ne met aucun nom sur aucun élément : c’est un travail d’équipe. Cela ne pose aucun problème (outil électronique ou pas): j’ai souvent vécu cela.