Jeu des pièces
Mon actualité m’a fait rajeunir un peu ma documentation sur ce petit jeu agile, le jeu des pièces, ou le “coin toss”. Simple mais très efficace, prenez un gros quart d’heure.
Et comme le veut cet ancien proverbe chinois : Dis-moi et j’oublierai. Montre-moi et je me souviendrai. Implique-moi et je comprendrai. – Proverbe chinois
L’objectif du jeu va être de démontrer quelques bénéfices fondamentaux de l’agile : un focus sur la valeur en maximisant celle-ci (maximiser la valeur, minimiser l’effort), et délivrant celle-ci au plus tôt (“time to market”) tout en intégrant une capacité au changement.
Règles
4 participants, chacun représente les phases d’un projet classique (c’est à dire à l’anciennce…) : disons par exemple : définition, spécification, réalisation, recette. Une personne chronomètre : le temps de la première phase, et le temps total. Un tas de pièces de monnaie (un peu plus d’un euro en petites pièces de 1 cts à 20 cts). “Retourner une pièce” est la métaphore de la réalisation d’une activité autour d’une fonctionnalité (sa valeur est celle de la pièce). Les pièces, après avoir été retournées, passent dans toutes les phases du projet jusqu’à la fin de celui-ci.
Premier tour : le projet classique
Sur le projet classique l’équipe va mettre autour de 1mn, 1mn30 pour faire passer toutes les pièces, et va avoisiner disons 1 euros et 15 cts (au hasard). Sur un projet classique les pièces vont d’abord toutes être retournées par phase avant d’être passées à la phase suivante (on fini l’intégralité de la définition, avant de passer aux spécifications). C’est la règle du projet classique (même si certains pensent que c’est une caricature, on le rencontre encore bien souvent).
Affichez sur le tableau : le temps de la première personne, le temps global, la somme rapportée.
Observations
Certaines personnes ne travaillent pas pendant que d’autres travaillent. Dans la vraie vie on vous dira qu’elles travaillent sur “autre chose”. Problème : dans la vraie vie il peut rapidement y avoir un effet goulot Problème : on ne peut pas basculer au delà de deux activités sans perdre en productivité, donc le “travailler sur autre chose” a très vite des limites.
Deuxième tour : le projet agile
Bascule agile : tout le monde travaille en même temps (dès que l’on a retourné une pièce on peut la passer à la phase suivante) pour avoir des choses finies (en bout de chaine au plus vite) car on veut de la valeur, et la valeur (et l’apprentissage) n’est qu’avec des choses finies. Interrogez les gens par avance : “Est-ce que cela sera plus court ? " Si certains disent oui, appuyez “Vraiment plus court ? … Bon on verra !”. En fait cela sera 4x plus court (à mettre en perspective avec la perte de productivité au délà de 2 activités) avec le même nombre de pièces, et la même somme.
On va donc réussir à faire passer toutes les pièces en quatre fois moins de temps (et pour la même valeur), disons 1,15 euros en 34 secondes au lieu de 1mn30.
Observations
On notera le sentiment de fatigue lié à cette véritable interaction. Il faut y prendre garde en agile (“sustainable pace”).
On demande toujours d’“aller plus vite”. Or il est souvent vain d’aller plus vite, d’accélérer les cadences ou d’augmenter la somme de travail. Pour aller plus vite : il faut changer le système, penser différemment. C’est ce que nous venons de faire.
On passe de 1mn30 à 34 secondes, mais surtout la première livraison avec de la valeur arrive vers 14 secondes (en tous cas bien plus tôt, dès le début, si ce n’est finalement pas la valeur que l’on souhaitait, ou pas la valeur espérée, on peut s’arrêter à moindre frais ou changer son fusil d’épaule).
Troisième tour : petit passage chez Kanban
Si on note un goulot lié au nouveau rythme (un participant plus fatigué ? plus maladroit ? moins habile ? pas en forme aujourd’hui ? peu importe c’est le symbole que les phases ne se ressemblent pas et demandent différentes attentions), bref si on note des goulots et des empilements par endroit on pourra ajouter un élément de Kanban (une des approches agiles) : on place un post-it ou un morceau de feuille entre chaque phase : c’est le point de passage, le ticket d’échange, on peut placer une ou deux pièces retournées dessus que si la feuille est vide, sinon on doit donc attendre que la phase suivante soit dans le rythme : cela régule le flux au “juste à temps”.
Je recommence : chaque participant ne peux passer les pièces retournées à son voisin, la phase suivante, que si celui-ci a libéré l’espace sur la feuille en s’occupant des pièces précédentes.
Observations
Avec cette régulation du “juste à temps”, pas de stock, moins de pièce dans le flux, si besoin on peut aisément changer son fusil d’épaule. Et on ne va pas moins vite.
Vous pouvez expliquer la variations entre les différentes étapes par le fait que les forces en présence dans la vraie vie ne sont pas les mêmes.
Quatrième tour : le vrai projet agile
- En fait on n’a jamais le temps dans la vraie vie de tout faire. On doit
- se focaliser sur la valeur. On doit prioriser celle-ci. On va se fixer
- 20 secondes max, et essayer d’avoir le maximum de valeur en 20 secondes.
- La personne qui initie le flux peut donc choisir les pièces. Elle n’a
- pas le droit de les classer, d’anticiper, mais c’est inutile, comme dans
- la vraie vie elle sait où se trouve les grosses poches de valeurs. Enfin
- à dix secondes, on enlève toutes les pièces et les remplace par d’autres
- “le marché vient de changer !”. Les nouvelles pièces introduisent de nouvelles grosses pièces, comme dans la vraie vie : de nouvelles poches de valeur sont apparues.
Observations
En 20 secondes on réussit à avoir 97cts (par exemple), en regard du point de départ de 1m30 et 1,15cts. Dès la 14ème seconde on obtient de la valeur, tout en ayant absorbé un changement du marché.
Vous pouvez annoncer 25 secondes, et finalement réduire à 20 secondes pour encore plus sentir la réalité…
Est-ce que c’est du Fordisme ???
Le côté rigoureux et répétitif peut rapidement être assimilé au Fordisme, au Taylorisme. Quand une dynamique Scrum est en place l’impression peut être la même ! En tous cas en apparence, car dans le fond les personnes impliquées décident de leur façon de travailler, elles sont autonomes et responsabilisés, c’est fondamental.
Ajout : La devinette de la quatrième colonne
[Edition 26 janvier 2017]
Depuis quelques mois j’ajoute une information : la quatrième colonne. Je me garde de la place pour une quatrième colonne que j’ajoute à un moment sous forme de devinette : et si il y a avait une quatrième colonne ? Qu’est ce qui serait intéressant de mesurer ? Faîtes le quand vous le sentez mais généralement après le deuxième tour (les pièces deux par deux) cela fait sens.
La réponse c’est le temps entre le début et la première mise en production, la première livraison de valeur en production comme dit Alexandre. Souvent entre le premier passage et le second la différence est frappante. Cela permet de parler Time to market, coût du délai, etc.
Un petit gribouillage rapide (cliquez dessus).