Le retour des barbus ?
Sous ce titre -que je sais provocateur- je voudrais parler de toutes les revendications que j’entends autour de moi de la part de connaissances que j’estime sur un retour aux “fondamentaux de l’agile”, sous-entendu aux pratiques d’ingénieries (pures et dures), sous-entendu aussi contre cet agile mascarade dont ils font de Scrum le porte étendard.
Malgré tout le respect et l’amitié que j’ai pour eux, sur ce point, à mon avis, ils se plantent.
Je comprends cependant leur désarroi.
Agile (et Scrum),
c’est le buzzword. Et comme l’écrit Comte-Sponville: “lorsque la mode s’en mêle cela se paie ordinairement d’un certains nombres de confusions”. C’est ce qui nous arrive avec “agile”. Les vingt pages du livret du site scrum.org de Jeff Sutherland qui permettent de s’emparer du sujet et de jouer aux apprentis sorciers.
Pour ces camarades aux profils ou aux désirs très techniques (dans le sens très noble du terme, d’ailleurs je n’en connais pas d’autres sens) une des façons de ramener ces moutons égarés à la raison est de monter le prix du “ticket d’entrée” de l’agile. En rappelant tout le savoir faire technique nécessaire au bon déroulement d’un projet agile (extreme programming, ou craftsmanship). D’où aussi la fatwa contre Scrum qui permet de dire que l’on fait de l’agile sans même faire de code. Qui permet à chacun de se lancer (souvent n’importe comment). Imaginez Kanban…
Si je pense qu’ils se plantent c’est que j’estime que leur réponse est trop réductrice, et qu’ils se trompent de cible. Sinon ce qu’ils disent n’est pas faux, et qui plus est très intéressant. Ils ont la bonne question, mais la mauvaise réponse, ou une réponse très incomplète.
Leur réponse est trop réductrice : en voulant ramener les fondements de l’agile à un approche du logiciel pour le développeur ils se restreignent à un mouvement agile parmis d’autres, ni le premier, ni le dernier, ni le fondement, ni le but ultime. L’agile ne se réduit pas à un seul mouvement. C’est une philosophie, ou *des mouvements* de pensées constitués par plusieurs branches, plusieurs écoles avec des croisements, des recoupements, des bifurcations, etc. Je comprends en tous cas le soin qu’ils ont à vouloir anoblir le développeur c’est un rôle rarement estimé à sa juste valeur (la faute à qui : c’est un autre débat).
Ils se trompent de cible en visant Scrum. Si Scrum marche autant là où extreme Programming a échoué ils devraient s’interroger. Pour ma part j’envisage dans un projet informatique que les deux soient plus que complémentaires, qu’ils soient indissociables. Quand les XPistes expliquent que XP a déjà tout (sous entendu toutes les bonnes pratiques), je m’interroge à nouveau : pourquoi donc un échec quelques années auparavant (échec dans le sens où l’on a pas connu le même succès que Scrum) ? Probablement car ce “tout” est mal exprimé pour la majorité des auditeurs (le terme “rétrospective”, l’expression “définition de done” c’est scrum, même si cela existe d’une façon différente dans XP). Le contenu de XP est aussi à mon avis mal équilibré (Extrême…).Donc ils se trompent de cible à mon avis. Ils contournent le problème au lieu de le traiter. Le traiter c’est mieux communiquer, mieux appréhender ou palier aux difficultés engendrées par le “ticket d’entrée” de scrum. Mieux expliciter les relations fortes entre ces deux approches et les nombreux points de convergences, les reformuler si besoin, etc.
Pas de fausse querelle
J’adhère complètement à leur analyse et je soutien leur action : le ticket d’entrée de Scrum est une faiblesse (mais j’ajoute que c’est aussi une force). Oui ils ont raison de mettre en avant tous les bienfaits et la nécessité dans le cadre informatique des pratiques Extreme programming ou Craftsmanship. Oui l’agile dans bien des cas a été dénaturé (mais pas dans de nombreux autres cas).
Mais je dirais plutôt : nous souffrons du succès de l’agile. Tant mieux, mais nous devons redoubler d’effort. Oui tout le monde craint le “retour de baton” d’une trop grande dénaturation et donc incompréhension de l’agile. Mais qui sommes nous pour nous ériger en gardien du temple ? Je pense agile comme une philosophie ou un état d’esprit. Il n’appartient donc en aucun cas à un petit nombre.
Pour finir, écrire (comme j’ai pu le lire) “l’agile est mort” est pour moi juste un aveu d’échec ou d’impuissance. La critique est trop facile. Soyez plus constructif. Soyez agile quoi.
Je vous remercie de la lecture de ces quelques lignes (I Thank You une reprise de Sam & Dave par les barbus sur leur meilleur album, Degüello)