Très petit guide agile sans jargon agile

Tim me relance pour une nouvelle question. Il aimerait pour son client une sorte de petit manuel rapide pour assimiler un accompagnement de projet agile. Je lui dis que ce guide de survie à l’agilité existe depuis 10 ans, et sa dernière révision date de 2017. Mais je réalise d’une part qu’il n’est pas si synthétique que cela, qu’il est bourré de fautes (shame), et qu’il utilise beaucoup de jargon agile. Je pense cependant qu’il est encore plus d’actualité aujourd’hui qu’il y a 10 ans vu les dérives auxquelles on assiste. Mais j’ai envie de me prêter à un double jeu : faire quelque chose de succinct, et sans jargon agile.

Voici le très petit guide agile sans jargon agile.

Très petit guide agile sans jargon agile

Comment mener un projet ou bâtir un produit avec une approche agile.

Première semaine, on définit les objectifs clefs du projet, du produit. Il ne doit pas s’agir de réussir le projet ou le produit, ou délivrer le projet ou le produit dans les temps, ce qui ne veut rien dire. Mais bien d’atteindre un ou plusieurs objectifs assez concrets. Assez concrets pour qu’on puisse idéalement les chiffrer pour articuler nos conversations (le chiffre précisément en lui-même reste secondaire). Si je prends le projet imaginaire de l’île de l’Atlantide qui souhaite fabriquer le nouvel outil numérique de saisie et de gestion de son état civil, et surtout empêcher des fraudes (trop présentes en raison du positionnement central de l’île entre les Amériques et l’Europe), les objectifs sont : a) saisir au moins 100 000 de fiches d’état civil les six premiers mois, b) faire baisser les fraudes de 60% sur les immatriculations d’entreprises de non-résidents de l’île. Deux objectifs, trois maximum, car sans focus : pas de progrès, pas de décision rapide.

Pour réaliser un projet (ou un produit, bon vous avez compris) : cinq acteurs potentiels (faites au mieux, mais soyez honnête avec vous-même : à chaque fois que vous dégradez les principes, vous dégradez vos résultats : oui cela vient de là). 1) Ceux qui fabriquent la solution. 2) Celui ou celle qui définit ce que l’on veut, pourquoi on le veut et qui valide que l’on a bien ce que l’on recherche. 3) Ceux et celles qui sponsorisent le projet (les demandeurs, les payeurs). 4) Ceux et celles qui seront au cœur de l’usage quand le projet fonctionnera (si ce groupe n’existe pas, il faut s’en rapprocher le plus possible, en observant, en mesurant surtout). Et 5) en cinquième celui ou celle qui s’assure que ce que le très petit guide agile sans jargon agile raconte soit bien appliqué (par exemple pas dix objectifs au projet, des objectifs concrets, chiffrés –non pas pour le chiffre– mais pour articuler la conversation : si c’est 60% de fraude en moins ce n’est pas 10%, ni 95%, ce qui changerait la donne).

Après chacun a des droits et des devoirs. Ceux qui fabriquent la solution décident de comment il la fabrique, c’est normal, en contrepartie ils nous montrent toutes les deux semaines ce qu’ils ont fini (et qui a été validé): on peut manipuler, questionner. Ils fabriquent dans l’ordre proposé par celui ou celle qui définit ce que l’on veut et pourquoi. Il doit bien savoir expliquer et il doit valider quand on lui propose un résultat. En fait il est avec ceux qui fabriquent et quand je parlais de montrer toutes les deux semaines, il est dans l’équipe qui montre, et on ne montre que ce qu’il a validé. De fait c’est bien lui qui décide quoi et dans quel ordre. Naturellement ceux qui sponsorisent (payent et soutiennent le projet) ont des attentes : cela peut devenir des contraintes à imposer à ceux qui fabriquent (dont celui ou celle qui priorise). Par exemple : quoiqu’il sorte doit justement respecter les règles antifraudes évoquées, ou quoiqu’il sorte doit être compatible avec nos téléphones mobiles. S’il y a trop de contraintes, tout le monde étouffe et rien n’avance. Ces sponsors ont aussi une demande “je paie pour que l’on ai enfin un état civil propre” donc normalement celui ou celle qui priorise et dit quoi est raccord avec cette demande. Généralement les sponsors ont une hauteur de vue, cela veut aussi dire qu’ils doivent rester à distance, ils ne viennent pas mettre leur nez partout, cela serait contre-productif. Pour cela ils ne viendront que toutes les deux semaines pour donner leur avis au regard ce que les autres auront fini, validé, et montreront.

Toutes les deux semaines, c’est beaucoup et peu (disons 1h toutes les deux semaines). Pendant cette synchronisation toutes les deux semaines on fait aussi venir le groupe de ceux ou celles qui en auront l’usage (dans notre exemple ceux qui vont manipuler l’état civil ou contrôler les fraudes). Ils pourront nous alerter ou nous féliciter au fil de l’eau (1h toutes les deux semaines). Enfin celui ou celle qui s’assure que ce que l’on raconte ici à le devoir de bien le faire appliquer avec neutralité, son droit c’est que son action se limite à cela pour garder de la neutralité et être efficace.

On met ainsi tout le monde sur le même écran ou dans la même pièce durant une heure toutes les deux semaines pour montrer ce que l’on a fini et en discuter, se dire ce qu’il va ou devrait arriver ensuite. On ritualise : c’est toujours la même heure, le même jour, toutes les semaines, sinon ça s’effrite, ça s’effondre. On en profite pour faire aussi au début de chaque cycle de deux semaines une réunion (1 heure, 2 heures, 3 heures ? Pas plus) entre ceux qui fabriquent et celui qui sait ce qu’il aimerait valider (et dans quel ordre) pour définir ce que l’on essaye de finir dans les deux semaines à venir. Généralement (mais ce n’est pas une règle) celui ou celle qui dit quoi dans quel ordre prépare un ou deux cycles à l’avance plus précisément que dans les grandes lignes, mais pas trop parce que les choses évoluent et qu’il perdrait du temps ou malencontreusement figerait le projet.

À des moments cela vaut le coup que ce groupe se pose aussi autour d’une table (virtuelle ou pas) pour s’interroger à changer une ou deux choses à son mode de fonctionnement (1 heure 2 heures 3 heures ? Pas plus !). Pendant les deux semaines la fabrication suit son cours : le mieux serait d’avoir un tableau visuel unique et central qui montre à tout le monde comment les choses avancent et qui permette à celui qui doit valider les éléments fabriqués pour la réunion de fin de cycle de deux semaines de le faire au fil de l’eau et pas n’importe comment juste avant la réunion. Au passage si on n’a rien de validé, rien de fini, on fait quand même la réunion pour expliquer pourquoi et en parler aux autres : c’est important, mais pas la peine peut-être que cela dure une heure. On peut décider de se faire une synchronisation au sein de ce groupe entre ceux qui fabriquent et celui qui explique ce qu’il veut et valide : tous les jours ? Tous les deux jours, 5 minutes, 10 minutes ? Et puis ensuite vraiment pendant ce cycle de deux semaines vous faites ce qui est intelligent et utile.

Petit à petit le projet va avancer, et toutes les deux semaines tous les acteurs seront alignés sur l’état des lieux. Cela permettra de bifurquer, de préciser, de se féliciter (assurez-vous d’être en condition “de production, en situation quasi réelle” pour être sûr que vos décisions soient fondées, mettez-le dans les contraintes). Si le projet n’avance pas : vous le verrez ainsi bien assez vite et prendrez là aussi une décision. Pour savoir ce que vous aurez dans six mois : vous observez ce que vous avez eu durant le dernier mois ou les deux derniers mois et vous répliquez cette cadence qui est apparue au fil des cycles de deux semaines. Oui pour l’impatient, il faut attendre l’apparition d’une cadence. Il peut se dire qu’il a gagné le temps habituellement perdu à faire des estimations fausses. Ça veut dire ne pas faire d’estimations ? Normalement c’est tout à fait possible si on n’oublie pas quelques dernières règles importantes : on commence par le plus important, on avance petits morceaux par petits morceaux qui font du sens. Ainsi comme on commence par le plus important : on sait rapidement si on va avoir de l’impact ou pas sur le cœur de notre sujet. Si on avance par petits morceaux qui font du sens : on peut avoir un vrai regard rapidement sur ce que l’on a (ou pas). On peut peut-être même les utiliser avant la fin du projet en situation réelle, en production, ces morceaux (hein, inutile d’attendre la fin du projet avec ce fonctionnement).

Il faut penser votre projet comme une termitière. Vous savez ce qu’est une termitière mais elles ont toutes une forme différente qui se décide au fil de l’eau. Donc c’est bien d’avoir la vision, l’objectif (un état civil numérisé qui empêche la fraude), la termitière, et puis elle s’étoffe intelligemment au fil de vos cycles. On peut vivre dans la termitière a différent moment de sa croissance. Mais on priorise par le plus important : c’est ce qui a le plus de valeur, d’utilité, cela peut-être de l’impact, de l’apprentissage, etc. Découper en petits morceaux qui font du sens et cette question de priorisation par valeur est clef. Mais c’est dur, donc soyez intransigeant avec cela tout en étant souple au regard de la difficulté à l’exprimer, à le mesurer, à le découper. Durant la première semaine que j’évoquais au début vous pouvez (il y a plein d’outils pour celà) dresser une première projection de vos principales étapes, vous l’adapterez au fil de l’eau dès que cela sera utile.

En voyant toutes les deux semaines durant une heure les nouveaux éléments finis et l’état des lieux, on limite les risques, et on s’autorise des expérimentations. En se voyant régulièrement, on prend les décisions au fil de l’eau en sachant plus de choses et sans prendre le risque de tout décider au début, trop tôt, sans visibilité. On sanctuarise tous ces événements : ils sont obligatoires, on sait qu’ils sont là, c’est un espace préservé, par contre pas la peine de les faire durer pour le plaisir, et surtout ils ne dépassent pas le temps imparti, car de toute façon ils se reproduisent régulièrement. Si les gens ne viennent pas, c’est que le projet n’est pas assez important à leurs yeux : c’est le signal qu’il faut l’arrêter.

D’ailleurs le projet s’arrête quand le rapport entre l’effort et la valeur s’inverse, ou devient nul.

Toutes les questions de mise à l’échelle s’abordent en travaillant la division du besoin, de la demande, de la valeur, et la mise en œuvre d’une coordination entre les équipes.

Souvenir

J’ai souvenir de Dan Mezick qui racontait qu’avant tout démarrage d’accompagnement il faisait lire et signer le scrum guide, à l’époque 19 pages. Si la personne (un décideur, un dirigeant, un manager, à l’origine de la demande) ne le lisait pas et ne signait pas c’était un très mauvais départ, et bien souvent c’était ce qui arrivait.

Le très petit guide agile sans jargon agile fait 4 pages en pdf : très petit guide agile sans jargon agile, à vous de jouer.

J’attends les retours de Tim pour la version suivante.

newsletter

J’en profite pour vous glisser que je vais écrire quelques newsletters dans l’année : la face B de mes écrits. Pour vous inscrire il suffit de cliquer sur le lien plus haut ou tout simplement ici.