Quand on parle agile avec aisance

Le sujet : il se passe quoi dans un environnement agile. Le positif ? Les bonnes sensations ?

J’ai tourné cet article dans bien des sens, pour finalement essayer de résumer ce sujet à deux sentiments qui devraient – à mes yeux – se partager quand une implémentation dîtes agile se déroule bien. Comme une fable de La Fontaine, je l’appellerais "Le simple et la termitière".

Simple et pas complexe

Ça peut vous paraitre bizarre, mais c’est évident non ?

Tout l’objectif d’une approche agile est de pouvoir évoluer plus efficacement dans un univers complexe, complexe voulant dire étymologiquement : entrelacé. Un des objectifs d’une approche agile est de diminuer cette complexité. Il y a beaucoup de jeux entre le simple et le complexe et je vous encourage à lire ce petit article. Qu’il s’agisse des limites dans Kanban par exemple, des itérations dans Scrum, des revues avec des éléments finis, du découpage itératif et incrémental, la modularisation du code, et de nombreux autres éléments auquel vous penserez, tout cela est fait pour réduire la complexité, pour réduire les entrelacements.

Ainsi donc si vous parlez agile avec aisance, tout n’est pas entrelacé, tout n’est pas une pelote de laine, vous n’êtes pas quotidiennement confronté à un plat de spaghetti. Vous pouvez manier des éléments complexes, mais le sentiment d’une simplicité, d’une certaine évidence (pas simpliste !) est présent. Vous faites quelque chose, vous avez un résultat. Si vous ne pouvez pas faire ce quelque chose parce que cela ou cela ou cela ou cela… et bien…

Il se peut que vous soyez agile mais que votre environnement ne le permette pas. Donc vous essayez d’y aller : rénovation du code pour finir avec l’entrelacement, révision de l’expression du besoin et des morceaux sur lesquels on travaille (vous pouvez le faire tout de suite cela). Etc.

Sensation : je peux me saisir des sujets, et mes sujets ont un impact quand je les traite.

Simple et conscient

Attention il ne s’agit absolument pas de la simplicité d’un geste mécanique, sans pensée. Il s’agit du simple : vous pouvez appréhender la question, vous saisir du sujet. Vous êtes en maitrise, consciente, de ce que vous faites, et ce n’est pas un geste ni mécanique ni répétitif.

Sensations : conscient, en maîtrise.

Simple comme franc

Simple aussi dans le sens de franc. Franchise, intégrité, honnêteté. Un job dans un environnement agile, c’est l’anti-bullshit job.1

C’est-à-dire que votre journée est remplie de choses qui font sens, qui sont utiles, qui sont nécessaires. Vous avez cette réunion car vous en avez besoin, vous avez ce problème car vous avez découvert telle ou telle chose. Oui vous avez des problèmes, mais ils sont normaux. Vous n’avez pas de réunions qui durent inutilement, ou qui existent sans raison, vous n’avez pas des problèmes qui ne devraient pas exister, ni insoluble (puisque vous maitrisez –bien ou mal– la matière que vous manipulez).

Et naturellement vous cherchez à faire quelque chose de concret, avec du sens.

On est content de se lever le matin, car on a le sentiment de pouvoir agir, et pas d’être noyé dans la politique, dans les entrelacements, etc.

Sensation : no bullshit.

Simple comme utile, essentiel

Vous n’êtes pas bloqué par des processus opaques ou inutiles, et si vous l’êtes vous avez la possibilité de justement supprimer ces blocages. Quand des choses sont impossibles ou interdites, c’est compréhensible et justifié. Et tout le monde comprend que si il y en a trop et bien autant abandonner.

Un groupe, un département, une équipe, on se pose plein de questions pour avancer vers sa cible, chacun se sent prendre part à l’objectif, à sa façon. Oui naturellement chacun a des hauts et des bas, mais si vraiment quelqu’un est toxique cela devient flagrant et tout le monde veut l’extraire du système.

Rien (ou très peu) n’est politique, tourné vers l’interne : toutes les questions sont tournées vers la résolution de l’avancée vers l’objectif.

Et très vite plein de choses qui se révèlent inutiles disparaissent : on voyage avec l’essentiel. Par exemple :

C’est donc voyager léger. Il y a un côté simple et essentiel. Primordial.

Sensations : utiles et directs, essentiels, léger (un premier petit morceau).

Simple comme dans l’action (dialogues)

Nos dialogues agiles sont :

Les dialogues non agiles sont :

Un officier anglais interpelle Robert Surcouf, le célèbre corsaire français :

C’est pareil dans les dialogues que je présente, ce que l’on veut, ce qui manque, du côté agile c’est de faire. Donc on fait, et c’est passionnant. De l’autre côté, ce que l’on veut c’est comprendre, on ne sait pas pourquoi on fait. Il n’y a pas d’engagement, pas de motivation, pas de qualité.

Attention ma présentation est rapide et facile. On pourrait même dire qu’elle est trompeuse : il faut s’interroger sur le pourquoi bien souvent. Par exemple : pourquoi l’usager a-t-il ce problème ? Pourquoi veut-il aller plus vite ? Etc. Faire est devenu l’activité car on a un fait un gros effort pour simplifier le faire, pour qu’il redevienne possible. (Mais comme je le disais auparavant, pas de simple mécanique).

Faire, essayer est devenu passionnant, car on sait ce que l’on cherche à faire et pourquoi. Le “pourquoi” s’oriente vers l’extérieur : pourquoi le client, pourquoi l’usager, pourquoi a-t-on besoin de cela : à l’extérieur, on ne se regarde pas le nombril, ce n’est pas une problématique politique interne.

Ma démonstration reste fragile, j’essaye de vous donner une sensation de ce que les dialogues devraient être et vers quoi on se tourne dans un contexte agile.

Naturellement s’interroger sur son identité, sur ses convictions et donc sur ce que l’on veut amener, créer comme valeur, est légitime et bon. Notamment pour sortir de l’entrelacement de la complexité.

Sensations : on fabrique un truc et on le voit se bâtir.

Simple selon le contexte, Startup ou entreprise en place, deux voies différentes de simplification

Si je fais un pas de côté : il y a deux façons de voyager léger, sans bullshit, sans choses inutiles, avec un vrai sens. D’aller vers cet essentiel, ce primordial. Deux façons différentes selon le type de structures dans laquelle vous évoluez.

Dans les deux cas, on se focalise.

Sensation : focus.

Simple : On va vite ?

La question ne se pose pas. On va ni vite ni lentement. On va droit au but, droit vers la prochaine étape. Mais alors pourquoi ça donne une sensation d’accélération, ou de fluidité : parce que l’on traite l’essentiel, l’utile, le sens. Et donc on évite de faire plein de choses.

Sensation : on pense valeur, impact, le reste devient secondaire.

Simple : conclusion

Ne vous y trompez pas cela demande plein d’efforts, notamment de coaching, de management, de leadership de rendre les choses évidentes, simples, et ainsi que tous puissent s’en saisir. Mais si vous vivez dans un environnement agile : vous pouvez vous saisir de vos sujets, dans le cas contraire non.

Sensation : maîtrise non mécanique de son périmètre.

La termitière

Ce réductionnisme implique de fabriquer de façon itérative, incrémentale. Sans cette simplification la complexité nous noie. Si vous devez tout prévoir, tout savoir, tout inclure, tout intégrer, et du contenu, et de la politique, ce que vous essayez de réaliser éclate, un peu comme le visage de la maman de Buttle dans Brazil de Terry Gilliam, cela éclate par les tensions, les contradictions, les impossibilités, les changements.

Ainsi donc vivre dans un environnement agile c’est sentir que ce que l’on bâtit est comme une termitière. On sait ce qu’est une termitière, mais on ne sait pas par avance la forme qu’elle aura vraiment, on le sait “dans les grandes lignes”.

Ce n’est pas une ignorance de la forme que les choses vont prendre parce que vous ne maitrisez pas ce que vous faites. C’est une ignorance consciente, assumée, qu’il est inutile de trop en savoir. Mais vous savez pertinemment ce que vous faites.

C’est de l’inachevé, de l’incomplet assumé. Ce n’est pas de l’inachevé, de l’incomplet subit (et comme vous avez peur de le subir, vous mettez plein de processus et des tartines de spécifications pour combler ce vide qui vous effraie, dans ce second cas).

Ainsi donc dans un environnement agile vous parlez régulièrement de là où vous aller : la carte postale de la termitière. Et vous faites. Et cela émancipe.

Sensation : on voit ce que l’on fabrique et on l’adapte, et voir ce que l’on fabrique au fil de l’eau c’est passionnant.

Conclusion

Sans surprise on retombe sur ce que la littérature raconte, par exemple Drive de Daniel Pink, l’autonomie, la maîtrise de son périmètre, le sens, par exemple. On retombe sur ce que je racontais voilà déjà 6 ans à Grenoble.

Et pour conclure le plus important : on voit des gens qui dans cet environnement, avec cet engagement, s’épanouissent, s’émancipent.


  1. Grosse recommandation de lecture ce bouquin de David Graeber “Bullshit Jobs” (comme ses autres livres), auteur malheureusement décédé trop jeune. ↩︎