Pyramide de Dilts et harmonisation de l'organisation

Précédemment et autour de Kanban je vous parlais de culture d’entreprise, d’organisation, et le besoin de s’adapter à celle-ci pour accompagner l’organisation. J’aimerais compléter cette lecture en adjoignant le besoin que cette culture soit alignée, en harmonie, “à tous les niveaux”. Pour cela et dans mes réflexions en cours chez beNext, je souhaite vous parler de la pyramide de Dilts (que Dilts puise chez Bateson).

Dans cette lecture de la pyramide de Dilts je me permets des libertés, j’adapte, je m’approprie, c’est ma façon d’être plus cohérent avec le monde qui m’entoure1. Voici donc ma façon d’en parler, de l’utiliser. La pyramide de Dilts a pour objectif d’harmoniser, d’aligner l’organisation, pour qu’elle puisse avancer, respirer, s’épanouir, s’étendre potentiellement. Aligner ? Harmoniser ? C’est-à-dire qu’il existe un lien, une cohérence, entre pourquoi l’organisation existe, qui elle est, en quoi elle croit, ce qu’elle met en œuvre, etc. Chacun de ses niveaux nourrit le niveau d’en dessous.

Ma lecture des niveaux

Le sens nourrit l’identité ou vice-versa. “Je suis cela donc ma mission est” ou “ma mission est donc je suis”. L’identité nourrit les convictions ou vice-versa. “Je suis cela donc je crois en” ou “je crois en … donc je suis cela”. Les convictions nourrissent la capacité, ou vice-versa. Mais ici ce n’est pas si simple, on sent que l’on passe d’une niveau culturel à un niveau opérationnel (nous y reviendrons). “Je crois en cela donc je me donne les moyens de” ou “J’ai les moyens de … je devrais avoir comme conviction”. Les capacités nourrissent le comportement, ou vice-versa. “Je fais cela ainsi je vais avoir les moyens de …” ou “j’ai les moyens de … afin de faire cela”. Les comportements nourrissent l’environnement, ou vice-versa. “J’agis ainsi et cela crée autour de moi ceci” ou “Avec ceci autour de moi je peux agir ainsi”.

En quoi la lecture de la pyramide est-elle utile ?

Vous comprenez donc que chaque niveau nourrit l’autre, et si vous arrivez à aligner, à harmoniser, tous ces niveaux, si il n’y a pas de dissonance, vous donnez votre pleine puissance, vous libérez votre organisation. Tout est plus fluide, évident. Dans le cas contraire, si les niveaux sont dissonants, les échanges fonctionnent mal, les incompréhensions ou les blocages fleurissent, l’organisation est grippée.

Il est donc important de s’interroger : quels niveaux sont dissonants ? Quels niveaux ne sont pas assez clarifiés ? Quels niveaux grippent l’organisation ? Et généralement de travailler dessus ou sur le niveau qui le surplombe, le niveau au-dessus, car c’est souvent le niveau supérieur qui nourrit mal le niveau inférieur. Je vous donne des exemples de mon propos.

Exemple pour des organisations

Les grands groupes qui font de l’“agile à l’échelle”

Vous connaissez ces grands groupes qui s’appuient en ce moment massivement sur des “framework agiles” pour devenir agile. Le problème est qu’ils se donnent les moyens d’une capacité (embauche massive), des comportements (accompagnement massif), et souvent l’environnement qui en découle. Mais les convictions, les croyances des managers, des dirigeants ne sont pas du tout alignées avec cette capacité et ses comportements. Leurs convictions ne sont souvent pas – par exemple – l’auto-organisation, l’autonomie, l’excellence technique, le droit à l’erreur, etc., qui devraient être les principes agiles, les convictions agiles. On obtient une scission franche entre ces niveaux. Il en découle toutes sortes de dérives, de comportements absurdes, de souffrances.

C’est pourquoi SAFe est très souvent un échec par exemple. Parce qu’il est le plus dissonant ! Il met en œuvre des comportements soi-disant agiles ("feature teams, points de synchronisation (quarterly planning), etc.,) mais soutient par la communication et la culture qu’il propage, une identité et des convictions en opposition avec les pratiques qu’il décrit partiellement.

Comment régler cela ? Si vous mettez massivement en œuvre une capacité agile, et des comportements agiles (embauche massive, accompagnement), il est impératif de vous interroger sur le niveau au dessus pour que cela se passe avec harmonie: est-ce que vos convictions sont elles aussi proches des principes agiles ? C’est souvent non. Le niveau à problème est donc celui des convictions. Pour le résoudre, comme les poupées russes, il faut donc s’interroger sur son identité (et peut-être son sens, sa mission). Qui sommes-nous ? Que voulons-nous ? Si cela devient clair, il sera plus facile de voir comment vos convictions (clarifiées) seront (ou pas) compatibles avec la culture et l’approche agile. Si c’est le cas, tout deviendra plus fluide. Si ce n’est pas le cas, inutile de chercher à avoir une capacité ou des comportements en inadéquations avec vos convictions.

Les coachs en développement personnel qui utilisent cette grille de lecture vous diront que l’on fait du coaching avec un petit “c” quand on traite de l’environnement, des comportements, de la capacité, et que l’on fait du coaching avec un grand “C” quand on traite des convictions, de l’identité et du sens. Vous pourriez vous dire que vous faîtes de l’agile avec un petit “a” quand vous traitez de l’environnement, des comportements et de la capacité (pratiques), ou que vous faîtes de l’Agile avec un grand “A” quand vous traitez des convictions, de l’identité et du sens (principes et valeurs).

La startup en “émergence spontanée”

Imaginez j’observe un comportement et tout d’un coup cela fait “tilt” dans ma tête. Je mets en œuvre ce comportement, ce service, et cela marche du feu de Dieu. J’impacte mon environnement. Mais avec le temps si je veux grandir, ou si je veux durer, il va falloir que je me donne une capacité. Et ainsi que je m’interroge sur mes convictions, et mon identité et mon sens.

Et vous ?

Pensez un peu à votre organisation ? Est-ce tout est fluide ? Non ? La mise en œuvre de vos actions ne fonctionne pas ? Est-ce que vos comportements sont en accord avec votre identité, ou vos convictions ? Les locaux qui vous hébergent ne sont pas du tout en adéquation avec les comportements que vous souhaitez ? Est-ce vous savez quelle est la mission de votre organisation et si l’environnement dans lequel vous évoluez est conforme à cette mission ? Sauriez-vous me dire si vos actions sont liées à votre identité ? Etc.

Exemple pour beNext

Chez beNext nous nous sommes interrogés.

Notre sens, notre mission ? Grandir et faire grandir, évoluer et faire évoluer est ce qui nous dépasse. “Be your potential”, notre mojo, porte cette mission.

Qui sommes-nous ? Qu’est-ce qui nous définit ? Nos 4 valeurs : humilité, recherche d’excellence, fun, nobullshit. Pour grandir et faire grandir, il faut une sacrée dose d’humilité et de recherche d’excellence, de fun et de nobullshit.

Je reviendrais sur nos convictions. Disons dès maintenant que nous pensons que sans passion et sans responsabilité nous allons nulle part. Nous voulons être en mouvement. “Hack your future” est un autre de nos leitmotive.

Notre capacité ? Une équipe de coachs forte et centrale, une population jeune et dynamique, de geeks, d’agilistes, et plein d’autres choses. Mais, il ya un mais, nous aimerions développer le leadership nous n’en avons pas assez aujourd’hui alors que nous ne cessons de grandir. Je vais revenir sur ce point.

Nos comportements ? Quelques exemples : nous fonctionnons en Gothamocratie. Nous avons un slack plein d’énergie. Nous faisons des becom, des wecom, des http, des meetups, des dojos, des agile toaster, des talks, des conférences (becomX, school of po). Tous des lieux pour grandir et faire grandir. Nous faisons des escales, des triades, des O3, des coach corner, des bilans annuels. Nous avons des boussoles, parfois des parrains, parfois des tritons. C’est notre jargon, c’est encore des choses pour grandir et faire grandir.

Notre environnement ? Nous avons des locaux dont nous sommes fiers et qui nous représentent, mais il va falloir les quitter, car nous voulons être en mouvement (et nous avons trouvé nos nouveaux locaux !). Nous avons des benexters, des clients, des offres & marques, une notoriété naissante qui correspond à notre identité (nos valeurs), une indépendance financière. Les benexters en projets sont la majorité de leur temps dans l’environnement de leurs clients.

Sur quoi devrions-nous travailler ? Nous sommes à la croisée des chemins c’est le moment de faire encore un grand saut : de nouveaux locaux, bien plus grands, de nouveaux horizons, de nouvelles offres. Mais pour réaliser cela, il faut adapter notre capacité. C’est là que les leviers sont. Et pour cela il nous faut plus de leadership. Aujourd’hui celui-ci est paradoxal : il est disséminé, tout le monde peut s’en emparer, en avoir, mais en même temps il est très personnalisé au travers de David, Dragos et moi-même.

Pour continuer à avoir tous ces comportements en accord avec notre qui et notre pourquoi, il nous faut une capacité plus large, plus de leadership. Mais pour avoir cette capacité, c’est sur l’étage supérieur que nous devons travailler. Quelles sont nos convictions sur ce leadership. La réflexion est en cours, je n’ai pas de réponse à vous fournir, juste des pistes et des interrogations à titre d’exemple. Nous croyons à la puissance de l’intelligence collective, l’auto-organisation, l’autonomie, mais nous croyons aussi à un leadership affirmé. Entre la communauté et le leader existe-t-il un paradoxe ? Comment vivre avec une dynamique de groupe, mais aussi du leadership assumé ? Les leaders sont-ils permanents ou contextuels ? À quoi croyons-nous à ce sujet ? Comment le vivre ? Comment les détecter ? Comment faire cohabiter tout cela ? Et donc que savoir sur nous avant de faire pour mettre en œuvre cette capacité ?

Voilà à quoi sert une lecture de la pyramide de Dilts pour notre organisation. Interrogez-vous sur votre organisation.


  1. Je laisse les miliciens de l’orthodoxie me faire un procès, et dresser un bûcher. ↩︎