Cartographie de stratégie, l'impact mapping

Si avec la cartographie de pland’action , le user story mapping, nous avons évoqué la tactique, avec la cartographie de stratégie, l’impact mapping, nous abordons… la stratégie. Avant même de savoir comment nous allons mettre en œuvre notre produit, l’objectif de la cartographie de stratégie est de mettre en évidence les chemins critiques, les chemins clefs pour valider nos hypothèses. Savoir où on veut aller, et par où passer pour s’assurer au plus vite que le chemin est le bon. C’est donc souvent un atelier qui précède (quand c’est nécessaire) le user story mapping, la cartographie de plan d’action. C’est un atelier associé au Lean Startup.

C’est un atelier qui peut se révéler bien plus difficile que le user story mapping. Dans le user story mapping on va trouver le moyen de décrire comment mettre en œuvre un objectif ; le user story mapping est plutôt axé sur quelque chose de très opérationnel. L’impact mapping a pour but de décrire ce que l’on veut et qu’est ce qui semble le plus important pour l’atteindre ; l’impact mapping est plutôt axé sur le quoi, pourquoi. Ainsi ne soyez pas surpris si cet atelier ne se révèle pas facile à manipuler.

Géraldine vient de réaliser un très bel article sur le sujet. Je vous recommande de le lire. Mais du coup je vais aborder les choses un peu différemment (mais j’ai besoin d’écrire cet article pour la cohérence de mon propos, et de mon cerveau). Je vais aborder l’atelier au travers de questions car de mon vécu c’est la seule façon de clarifier cet atelier quand on s’y égare.

#1 question : Sauriez vous me dire ce que fait votre produit (ou votre projet) en deux phrases et comme si j’étais un enfant de huit ans ?

Naturellement je fais appelle ici à la fameuse citation de Einstein : Si vous ne savez pas expliquer ce que vous voulez à un enfant de huit ans vous ne savez pas ce que vous voulez.

“hum laissez moi réfléchir…” (je vais continuer à utiliser peetic).

“Je veux créer un communauté dynamique et solide de possesseurs d’animaux, principalement de chiens et de chats, pour ensuite pouvoir vendre des produits dérivés ou des services autour de ces animaux”.

#2 question : Qu’est ce qui vous ferait dire que votre produit ou votre projet est un succès ?

Comme avec les impacts rétro-futuristes de Claude présentés au Raid Agile je vous propose d’exploiter l’atelier “remember the future” (qui lui même…). Poussez la personne qui doit répondre à cette question à se projeter : “nous sommes dans six mois (ou 3 mois, ou à la fin de l’année, etc.) vous avez le sourire à propos de ce succès ? Pourquoi ? Pouvez vous me décrire la situation ?”

“hum…”

“Dans six mois j’ai constitué une base communautaire solide, et à la fin de l’année j’ai déjà fait des ventes”.

“J’ai réalisé les fonctionnalités attendues”, ou “j’ai livré à la bonne date” n’auraient pas été de bonnes réponses car ce n’est absolument pas la garantie d’un succès.

#3 question : Comment puis-je mesurer de façon explicite ce succès ?

Des fois ce critère de succès reste très flou. Il faut pousser la personne en charge à savoir le mesurer de façon explicite. Sa mesure peut naturellement rester une hypothèse (en fait elle ne peut probablement qu’être une hypothèse).

“Le produit plaît aux utilisateurs” pourrait se mesurer explicitement en énonçant : “80% de taux de satisfaction utilisateurs ?” ou “les systèmes alternatifs ne sont plus du tout utilisés (0 utilisation des systèmes alternatifs)”, ou “tous les utilisateurs se connectent au moins une fois par semaine”.

À cette mesure il est utile d’ajouter une durée. Ce n’est vraiment pas grave si la personne en charge sort la mesure d’un chapeau comme par magie, c’est surtout un outil pour clarifier la conversation ensuite, mais l’énoncé d’une mesure rend plus tangible les hypothèses.

Pour peetic, “hum…”

“Dans six mois j’ai 10000 inscrits, puis tous les mois sur les six mois suivant j’ai 10000 euros de chiffres d’affaire”.

Je vais me focaliser sur le premier objectif : 10000 inscrits en 6 mois. Ici il y a des critères de succès qui s’enchainent. Mais bien souvent on va vous proposer plusieurs critères de succès : il faudra impérativement les ordonner, les prioriser. C’est le point de départ de ma carte de stratégie, l’OBJECTIF. (On prend un seul objectif par carte, mais on peut imaginer plusieurs cartes).

#4 question : Qui dois-je impacter pour atteindre ce succès (cette mesure explicite) ?

Cette question peut faire l’objet d’ateliers dédiés comme l’a bien expliqué Géraldine, en employant des personas. À la suite de ces ateliers la réponse ici serait : Le possesseur urbain, le possesseur rural, le vétérinaire, la fédération animale… (vous pouvez retrouver des personas ici: peetic). Inutile de mettre tous les personas uniquement les quatre, cinq ou six les plus importants (pour atteindre notre objectif).

C’est le second niveau de la carte, le QUI.

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Pondération

L’idée de l’impact mapping, de cette cartographie de stratégie, de cette carte d’impacts, est de donner du relief, de proposer des hypothèses estimées comme clefs pour les valider au plus vite. On va donc essayer de mettre en avant ces chemins essentiels en demandant à la personne en charge de distribuer 100% sur cette première série de branches.

#5 question : Comment dois-je impacter ces personnes/profils pour atteindre mon objectif ?

Cette question est sûrement la plus importante et la plus ardue. Si vous animez cet atelier faîte bien la liaison en illustrant physiquement le raisonnement à avoir (ah oui je ne l’ai pas précisé mais c’est encore un atelier avec stickers/post-it au mur…) : quel impact faut-il avoir sur cette personne, sur ce profil (vous montrez le profil indiqué au mur), pour atteindre notre objectif (vous indiquez l’objectif).

Dès que vous avez trouvé un impact vous rejouez cette scène ; en indiquant l’impact vous énoncez : si je génère cet impact (vous indiquez l’impact), sur cette personne (vous montrez la fiche personne), cela poussera à atteindre mon objectif (vous indiquez l’objectif).

Encore plus important : les impacts ne sont pas des moyens, ils sont des impacts : des changements d’usage, des changements ou de nouveaux comportements, des bénéfices. “Recevoir une notification” n’est pas un impact, c’est un moyen. “Être alerté rapidement” est un impact. “Faire des crêpes” n’est pas un impact c’est un moyen. “Manger à sa faim” est un impact. “Utiliser Citymapper ou Google Maps” n’est pas un impact c’est un moyen. “Gagner du temps” est un impact.

On ne va pas se poser la question pour chacun des profils, uniquement ceux dont la pondération en pourcentage le justifie". On ne cherche pas à traiter tous les chemins, c’est inutiles, on cherche à traiter les chemins qui semblent être essentiels pour valider au plus vite nos hypothèses.

C’est le troisième niveau de la carte, les IMPACTS.

Pondération bis-repetita

Pour se focaliser sur les hypothèses estimées comme clefs et les valider au plus vite on va essayer de mettre en avant les chemins essentiels en demandant à la personne en charge de distribuer 100% sur chaque série de branches.

#6 Quelle mise en œuvre pour cet impact est possible ?

Ici on retombe dans quelque chose de plus relaxant : les niveaux suivants de ma carte sont le COMMENT. J’ai traité ici tous les impacts car ma carte est petite, dans la “vraie vie” (là où vous vivez tous mais pas moi) il est fortement recommandé là encore de ne se focaliser que sur les chemins de valeur. (Et encore la pondération).

#7 Cette mise en œuvre peut-elle se décliner ? (option)

N’hésitez pas à décliner la mise en œuvre. “Notification” peut avoir comme branches “sms”, “mail”, “push mobile”, etc. Que vous devriez elles-mêmes pondérer.

Faire apparaître les hypothétiques chemins de valeur à valider

Tout l’objectif de cette cartographie de stratégie est de faire apparaître les chemins estimés clefs pour valider ses hypothèses au plus vite. Si ces hypothèses sont confirmées : elles vous permettent d’engranger rapidement des bénéfices, de valider votre marché, etc. Et vous continuez à dérouler votre stratégie. Si elles s’avèrent fausses, vous “pivotez” pour utiliser le jargon du Lean Startup.

L’autre bel intérêt de cette cartographie c’est sa capacité à proposer naturellement de petits morceaux autonomes qui font sens. On donne du relief à son cheminement.

Les questions sont clefs

  1. Sauriez vous me dire ce que fait votre produit (ou votre projet) en deux phrases et comme si j’étais un enfant de huit ans ? [VISION, CLARIFICATION]

  2. Qu’est ce qui vous ferait dire que votre produit ou votre projet est un succès ? [OBJECTIF]

  3. Comment puis-je mesurer de façon explicite ce succès ? [OBJECTIF MESURABLE]

  4. Qui dois-je impacter pour atteindre ce succès (cette mesure explicite) ? [QUI]

  5. Comment dois-je impacter ces personnes/profils pour atteindre mon objectif ? [IMPACT]

  6. Quelle mise en œuvre pour cet impact est possible ? [MISE EN OEUVRE]

  7. Cette mise en œuvre peut-elle se décliner ? (option) [MISE EN OEUVRE]

Autres choses que l’on pourrait se dire ?

La suite ?

La suite ? C’est évoquer une autre façon de faire des cartographies de stratégie avec des variations sur les thèmes des étapes : “objectif”, “qui”, “impact”, “mise en œuvre”, variations inspirées par la strategy map de agile42.

La suite : Impact mapping hors des sentiers battus.

La suite c’est aussi décrire le branchement évident entre un impact mapping et un user story mapping, ou comment la cartographie de stratégie nourrit la cartographie de plan d’action.

Un dernier mot : le contenu du workshop de Gojko Adzic est désormais en libre accès.

Les articles de la série

  1. Cartographie de plan d’action : le User Story Mapping
  2. Cartographie de plan d’action(user story map) revisitée
  3. Cartographie de stratégie, l’impact mapping
  4. Cartographie de stratégie, l’impact mapping, hors des sentiers battus