4 malaises et un très bon moment
Je suis hypnotisé par les discussions qui tournent autour de cette drôle de session de clôture du vendredi 2014 à Sudweb. Ne vous laissez pas embarqué par le titre (de cet article), pour lequel je n’ai pu résisté à faire une petite allusion à un film bien connu, SudWeb 2014 a été une grande réussite (je vous laisse vous référer à tous les blogs qui en parlent, notamment là). Je ne reviens pas là dessus, mais gardez bien cela en tête.
Ma vision des évènements
Ma vision des évènements : l’orga Sudweb par l’entremise de Thomas me propose de faire une session débat en commun avec David Bruant. Session qui démarre par une interruption. En gros il me demande d’interrompre une session de techos, à moi ! Puis, avec David, de mener un débat autour d’un thème qui nous est cher. Il s’agira d’épanouissement technique, nous voulions évoqué ce qui conduisait à l’épanouissement technique. David aurait du débuter une session sur une solution technique, mettant en œuvre une technicité élevée, nous souhaitions interroger les gens non pas sur cette technicité, mais sur ce qui va permettre, en amont, celle-ci. Donc on se prépare -trop peu- avec David, et la session arrive. Et l’interruption intervient, et … de mon point de vue, elle marche vraiment très très bien : tout le monde y a cru, un vrai malaise s’est instauré : hop déséquilibre, hop ouverture, hop désordre, hop émotion, hop opportunité de penser différemment. Signe révélateur : la personne la plus applaudie de la journée (tout orateur confondu) a été celle qui a tenté de m’arrêter en expliquant que le sujet de mon interruption était fallacieux (et elle avait raison).
Au passage je n’ai pas été géné d’interrompre David, lui-même faisant partie du jeu : il n’avait pas de session.
La dérive
- Vient ensuite la dérive, peut-être due justement à un trop grand
- déséquilibre (c’est possible çà ? on était quand même en environnement
- ultra-sécurisé) ? Et le débat part dans tous les sens. Peut-être ai-je
- essayé trop rapidement de le cadrer en proposant un socle que j’apprécie
- beaucoup et auquel je crois énormément ? Peut-être que beaucoup de
- paroles attendaient de pouvoir s’exprimer ? Attention de bien comprendre
- je parle de “dérive” vis à vis de ce que j’avais imaginé. Cela ne veut pas dire que le débat n’était pas intéressant. Il l’était mais il partait dans tous les sens.
Une erreur
J’ai aussi commis une erreur : j’ai personnifié l’épanouissement technique en David Bruant. J’ai voulu discuté de comment devenir David Bruant. A mes yeux peu importe David, mais il représente une personne qui a su s’épanouir techniquement. Cela était une erreur car d’abord cela mettait mal à l’aise David, ensuite car j’ai découvert que certains n’entendaient pas le message ainsi : non pas savoir s’épanouir comme David dans la technique, mais être “aussi célèbre” que David. Et ça, devenir célèbre, c’était le dernier de nos soucis.
Ce que nous voulions dire, en tous cas moi
Le sujet que j’espérais ainsi le plus développer était celui de l’épanouissement technique. Les mots indiquent bien le sens : “épanouissement technique”, épanouissement d’abord, la technique venant ensuite. Au lieu de pourchasser la technique mieux vaut -à mes yeux- s’épanouir au préalable (euh et oui cela est mieux en s’étoffant : on s’épanouit cela amène une progression globale et donc technique, on s’épanouit à nouveau, etc, un cycle vertueux). Il est important de comprendre -à mon avis- qu’il faut d’abord être pour faire, et non pas faire pour être.
Pour s’épanouir je rebondissais, comme souvent en ce moment, sur les enseignements de Dan Mezick, lui même les tirant de plusieurs lectures dont le Reality is broken de Jane McGonigal.
Pour faire court sachez que l’industrie du jeu s’est beaucoup interrogée sur ces notions d’engagement et d’épanouissement, qu’elle ramène à :
- Un sentiment de contrôle (pas le contrôle de l’autre, mais le contrôle de son action, la maitrise de votre outil de travail si vous préférez).
- Un sentiment de progrès (si vous faîtes 10 projets en simultanés peu importe qu’ils aillent bien, vous avancez tellement peu que cela sape votre engagement).
- L’appartenance à une communauté
- Travailler, jouer, agir pour quelque chose de plus grand que soi.
Et qu’elle rend possible avec un cadre qui propose :
- Un objectif clair
- Des règles claires
- Du feedback constant
- L’invitation (à participer, à jouer, à agir, etc.)
J’espérais, mais je ne l’ai pas vraiment eu, une discussion sur les moyens, les idées, les retours de chacun pour promouvoir ce type de cadre, et ce type d’effet, afin de viser un épanouissement personnel. Certains ont écrit que cela fait bisounours (et que cela est surprenant compte tenu de ma “bouteille”), mais plus j’accumule de l’expérience plus je réduis mes réponses à des choses simples. Tout apparaissant de plus en plus complexe, les réponses ne peuvent que prendrent de la hauteur en se simplifiant (en se ramenant à leur essence). Donc, non seulement je ne pense pas que cela soit vraiment bisounours, mais en plus je suis convaincu du bien fondé de la synthèse de Dan Mezick. Ceux qui étaient présent à la session de Kevin Goldsmith le lendemain matin (samedi), auront d’ailleurs entendu un message complètement identique de sa part.
De la non motivation
Plusieurs personnes ont argué que parmi leurs connaissances certains n’étaient pas et ne seraient pas (jamais ?) motivés, que c’était dans leur nature. Non, non et non (quitte à en irriter certains autres, je préfère dire non quand je ne suis pas d’accord), ou alors 1% (moi c’est là que je le place le 1%, et pas ailleurs Xavier). L’énorme majorité des êtres humains recherche naturellement la motivation, l’implication. Motivation, du latin, motivi, motif, en quelque sorte : raison de faire, et donc raison de vivre à mes yeux. Quand on ne peut pas, on ressent une grande frustration qui a un impact fort sur nous. Donc oui des fois on n’a pas envie d’être motivé au travail mais je pense que c’est parce que : a) on a des soucis par ailleurs, et on n’a plus la force de s’engager au travail b) on ne croit plus (à tord ou à raison) que l’engagement au travail soit possible (mais si on n’y croyait et si cela était possible, on le rechercherait).
De l’industrie
Plusieurs autres personnes ont aussi évoqué l’industrialisation probable à venir de leur métiers (dans le web), faisant allusion au statut d’ouvrier comparable à d’autres métiers. J’imagine que c’est parce que nous sommes encore proche de l’ère industriel que les gens pensent encore avec cette référence. A mon avis, l’ère industrielle que l’on a connu est derrière nous et ne se reproduira plus, comme il n’y a eu qu’un seul moyen-âge, qu’une seule renaissance, qu’une seule pré-histoire, etc. Nous sommes à l’aube d’un grand changement de cycle, et oui le système résiste autant qu’il le peut, mais nous ne reviendrons pas en arrière.
Et je suis super ravi
Je suis ravi car j’ai eu tous les genres de feedback possible. Des gens qui sont venus chaleureusement me remercier, d’autres, par d’autres moyens, on fait part de leur mécontentement. On a eu un débat intéressant, enfin un débat… plutôt un échappatoire, ou un exhutoire, comme si on avait crevé une poche. Beaucoup voulait s’emparer de la parole, cela fait plaisir. C’est un peu la météorite qui explose en fin de journée. Des résignements inexplicables, des idéalistes (on est tous le bisounours d’un autre), et j’observe que cela s’agite encore à ce sujet. Donc, que voulez vous, je suis ravi.
2 actions pour lundi
J’ai quand même noté deux actions “pour lundi” proposées par les participants lors du débat : si vous souhaitez vous épanouir techniquement : la veille, la lecture sont indispensables. Mais cela a un prix et il faut savoir par avance que l’on ne peut pas tout savoir, sinon on risque le vertige, la noyade. Enfin, à défaut de vivre dans un environnement qui propose des règles claires (de conduite, de savoir être, etc.), forgez les vôtres.
Merci à Brice & Thanh de m’avoir transformé le temps d’un week-end en Richard Gere.