Penser son organisation - introduction

Voici un petit article pour commencer à en dire plus sur ma perception d’une organisation à grande échelle selon l’expression consacrée du moment. Aujourd’hui les questions clefs autour de l’agilité sont de deux ordres (à mon humble avis) : a) la durabilité et l’intégrité de l’agilité, b) la mise à l’échelle. J’avais déjà commencé à évoquer ce point dans cet article : agile à grande échelle c’est clair comme du cristal, et j’y reviendrai plus bas.

Partie 1 : introduction à ma réflexion

L’agilité est bien plus une façon d’être, une culture, que de simples pratiques, elle n’est donc pas si simple à acquérir. Et aujourd’hui il faut être “agile” comme les Shadoks devaient pomper, c’est l’effet de mode avec tous ses travers. On observe donc de nombreuses déceptions. Pour cette raison la première des questions autour de l’agilité est comment bien l’adopter et réussir de façon durable ses transitions. A cette question il me semble que Dan Mezick répond de façon très adéquate et je vous engage à lire son culture game et ses informations sur l’open agile adoption. J’ai pu l’évoquer dans cet article (avec moults liens).

Donc la première question est d’ordre temporel : durabilité, pérennité de l’approche agile. Cela ne sera pas le sujet de cette petite série d’articles, car, comme je viens de vous le dire, il me semble que Dan Mezick y répond très bien.

Deuxième ordre de questions : cela marche et cela grossit. Comment gérer ? Bien souvent on part avec une ou deux équipes et le succès aidant, il faut appréhender un passage plus global. Les vraies questions arrivent : faut-il basculer l’intégralité de la structure dans une culture et une organisation agile, et si oui comment ?

Ainsi la deuxième question est d’ordre spatial : comment étendre l’approche et la culture agile à une grande organisation. Cela sera le sujet d’une petite série d’articles auxquels je songe.

Théorie et expérience

Pour répondre à cette problématique, deux axes : la théorie et l’expérience. La théorie me semble toujours indispensable, notamment quand on défriche des sujets nouveaux. L’expérience se nourrit d’ailleurs de la théorie. Même si les intuitions peuvent être fulgurantes, l’expérience me semble aussi importante. Le mot est à concevoir sous deux sens : expérience vécue, et expérience à réaliser, à essayer, celle de l’empirisme.

Côté théorie j’essayerais de vous donner toutes les sources qui ont pu nourrir ma pensée, peut-être foireuse au demeurant sur le sujet… Concernant l’expérience sur des questions de grandes échelles, je dirais que j’ai pu suivre à un certains moment (suite à une transition agile) une quinzaine – voire plus – d’équipes dîtes agiles, au sein d’une même organisation. Je n’ai pu que suivre, car à un certains moment on ne peut pas accompagner plus d’un certains nombres d’équipes de façon sérieuse. Étant dans ce cadre le référent agile j’avais cependant une vue assez générale, et intéressante. Une quinzaine d’équipes, et tous les gens qui gravitaient autour, soit cent cinquante personnes. Le bon chiffre en quelque sorte pour se projeter encore plus loin à mes yeux (j’expliciterai ce point plus tard mais les lecteurs de ce mini livre sur la horde agile ont déjà la réponse).

Pour l’empirisme, je vous encourage à essayer.

Deux écoles

Aujourd’hui en réponse à cette problématique on a deux écoles qui s’affrontent.

Ceux, dont je ne fais pas partie, qui pensent qu’à une certaine échelle les anciens modes de pensée reprennent leurs droits. C’est à dire que les aspects agiles sont consentis au niveau des équipes, des actions opérationnelles terrain, en groupes resserrés, mais qu’au niveau organisationnel, à grande échelle, l’agile n’a pas de valeur intrinsèque. Donc il calque les modèles matriciels, rationalistes, cartésiens, sur leurs organisations, au pire avec une approche silos par compétence, et pas une approche verticale métiers.

En fait c’est juste que c’est très rassurant pour le management classique d’opérer ainsi. Inutile de se remettre en question, les anciennes habitudes vont se remettre à fonctionner (sur fond de hiérarchie conservée, de blâme, d’illusion de contrôle et d’effort). C’est donc très vendeur, c’est là dessus que se base par exemple – à mon avis – le fameux SAFe Scaled Agile Framework (pas de lien, c’est inutile, ça ne marche pas). Malheureusement je ne l’ai jamais vu fonctionner, par contre je l’ai vu échouer. Quand je dis que cela ne fonctionne pas ce n’est pas – malheureusement – que les entreprises s’effondrent et disparaissent. Non elles sont justes non performantes, lentes, moribondes, voire dévorées de l’intérieur par des luttes intestines. Elles disparaîtront, n’en doutez pas, mais lentement, lors d’une lente agonie. C’est tout le problème des organisations monopolistiques : elles peuvent longtemps errer tant que leur monopole tient, quand il s’effondre, elles s’effondrent avec. C’est aussi tout le problème des organisations trop riches, sans souci financier, rien ne les pousse à être performantes et donc à faire les bons choix (à ceux qui disent : “mais elles sont riches elles font donc les bons choix”, je réponds : “non je ne crois pas”). Quand la manne disparaît, il leur faut vite s’adapter, elles n’en ont pas l’habitude.

D’autres, dont je fais partie, pensent qu’il n’y a pas de rupture entre la gestion d’une équipe et/ou d’une grande organisation puisque nous basons notre fonctionnement sur une culture ; celle-ci peut ainsi s’appliquer à tous les niveaux : les raisonnements, les comportements qui en découlent sont les mêmes. Ce que développe l’organisation en local, elle doit le développer de façon globale. Pensez à une approche organique au lieu d’une approche mécanisiste, mode de pensée, culture, plutôt que harmonisation ou rationalisation.

Premières pistes

Cristal

Pour décrire cette façon de pensée organique de l’organisation je m’appuierai sur image que j’ai trouvé intéressante : celle du cristal. Je dois encore valider cette intuition. Car le cristal n’est finalement pas forcément le bon matériau. La termitière ?

Complexité, désordre, apprentissage

Nécessité du désordre pour générer de nouveaux motifs d’apprentissage, de la valeur, de la créativité, de la vie : pas des entreprises fossiles qui ne respirent plus. Ces motifs prennent la forme d’histoire (storytelling). Pour une première ébauche sur ces réflexions ce texte, ou le chapitre “storytelling et auto-organisation” de ce mini livre sur la horde agile. Il est nécessaire d’avoir du désordre pour avancer, créer, générer. Le désordre est toutes façons présent dans notre monde complexe. Laisser l’auto-organisation naturelle dont nous faisons preuve pour appréhender cette nouveauté. Motifs par le biais de storytelling pour l’apprentissage (le stockage). Je décris ainsi des systèmes ouverts, apprenants.

Observez les images, pensez vous sérieusement qu’un univers bien rangé est riche ? Qu’un bac à sable propre est amusant et créatif ? (j’ai piqué ces images au compte twitter :

@organizedthings)

Théorie des catastrophes de Renée Thom

Autre intuition au fil des lectures, la théorie des catastrophes de René Thom : celle-ci ne proposerait pas pour nos organisations des schémas prédéfinis, mais des modèles. Ainsi on pourrait penser une topologie des entreprises et comprendre leurs mouvements et formes, autrement dit, une piste pour appréhender la discontinuité de formes des organisations à l’aide d’un modèle connu. Pensez le mot catastrophe comme évènement. Il se déroule un évènement qui génère un changement, positif ou négatif. J’enchaîne ce préambule rapidement par un première tentative d’appropriation de cette théorie dans le cadre d’organisation d’entreprises (agile ou pas, peu importe). C’est ce qui m’intéresse le plus, aujourd’hui, dimanche 19 janvier 2014.

Double lien, systèmes ouverts en thermodynamique

Beaucoup de mes copains savent que je hais le terme de Sociocratie, pas ce qu’il cache. Il y a du bon et du moins bon, c’est un habillage, une synthèse de pas mal de choses déjà vues par ailleurs. Mais comme toute synthèse elle cristallise une nouvelle histoire, et est un intéressante comme boite à outils faisant sens. Parmi ces outils, un se révèle très inspiré par la thermodynamique des systèmes ouverts (de nombreux penseurs l’évoquent pour parler organisation) : le double lien. En thermodynamique un système est ouvert quand il y a échange de matière (d’information !) et d’énergie entre le système et le milieu extérieur, comme le font les êtres vivants par exemple, comme l’approche organique évoquée plus haut. Ce double lien de la Sociocratie ne fait pas autre chose que dire cela et il est peut-être plus simple à prendre en main que l’idée de systèmes ouverts en thermodynamique. J’y reviendrai donc (spéciale dédicace Grég.L).

Voilà, une première perspective que je vais essayer de creuser. Ces intuitions et réflexions se révéleront peut-être fausses. Peut-être qu’un autre sujet s’emparera de moi entre temps, mais bon cela fait plusieurs mois que cela trotte dans ma tête et j’y trouve un lien avec ma horde agile, une continuité, donc a priori, je vais m’y tenir.

Série sur les organisations

0 - prémisses : Agile à grande échelle : c’est clair comme du cristal

1 - penser son organisation : introduction

2 - penser son organisation : théorie des catastrophes

3 - penser son organisation : sur le terrain