Lectures automne/hiver 2013

Quelques retours sur des lectures de cet automne et cet hiver. Un -très- joli cru à mes yeux. Quatre bouquins (au moins les 3 premiers en tous cas) que je recommanderai pendant un moment il me semble : “La revanche du rameur” de Dominique Dupagne, “Switch” de Chip & Dan Heath, “Lean Startup” de Eric Ries, enfin “Process Communication” de Gérard Collignon.

La revanche du rameur, Dominique Dupagne, 2012

La revanche du rameur

C’est suite à la parution de ce premier article sur la horde agile que j’ai été amené à lire ce livre de Dominique Dupagne (sérendipité donc, voilà une raison de tenir un blog). En effet, en plein repas lors de Agiles Games 2013, Caroline (Damour, @CarolineDamour) m’interpelle : ce petit article est un écho au livre de Dominique Dupagne. Le même qu’elle a eu en face d’elle des années durant son boulot (et le même qui fera une courte mais judicieuse keynote au Scrumday cette année, en reprenant les grands principes de ce livre). En effet le livre dénonce les dérives de l’empire kafkaien dans lequel nous nous enfermons (pensez Brazil, Terry Gilliam). Il fait appel à nos ancêtres les homo-sapiens pour nous rappeler au bon sens. Je tiens actuellement le même discours, et non je n’ai pas plagié Dominique Dupagne. C’est juste une idée ni neuve, ni très originale (ce qui n’enlève en rien à sa qualité potentielle), qui reviens régulièrement sur le devant de la scène : n’oublions pas d’où nous venons. Sans sombrer dans le conservatisme.

Bref, j’en reviens au livre : très intéressant et très accessible. Il met très bien en exergue les dérives contre lesquelles nous devons lutter désormais : toutes ces lois, ces assurances qualités fantoches, ces protocoles obligatoires, bref toute la lourdeur pesante des conventions qui nous fossilisent. Et, surprise, il cite l’intégralité du manifeste agile comme acte d’espoir. C’est donc un livre que vous pouvez distribuer autour de vous pour expliquer ce que vous faîtes (agilistes) dans la vie de tous les jours et éviter désormais les regards incrédules de vos proches. Dominique Dupagne achève son ouvrage en évoquant quelque chose comme la sociocratie. C’est moins percutant que le début du livre et m’a moins convaincu. C’est une projection vers le futur, qui manque peut-être un chouïa de prise de risque. Pour conclure, un très très bon livre, que je recommande chaudement.

ps : La keynote de fin du Scrumday 2013 était proposée par Dominique Dupagne, cela vous a plu ? C’est le contenu de son livre qui a été présenté, y’a plus qu’à.

ps2 : Impossible de le trouver en librairie (il est épuisé), il faudra acheter l’édition numérique (pour vous faire râler : Dominique Dupagne a eu l’amabilité de m’en envoyer une version papier pour que je puisse la machonner comme le ferai un homo sapiens… ce que je/nous suis/sommes).

ps3 : Dominique Dupagne cite régulièrement Laborit (La nouvelle grille) et Morin (Introduction à la pensée complexe). les deux ouvrages sont désormais sur ma table de chevet : c’est la toile du réseau de la pensée.

en français.

Switch, Chip & Dan Heath, 2010

Là aussi j’ai été bluffé. Les frères Heath proposent un petit ouvrage très inspirant sur la capacité à changer les choses. Pour résumer une métaphore très convaincante : celui de l’éléphant et de son cavalier, cette métaphore nous représente, nous sommes un cavalier et un éléphant. Le cavalier représente la partie cérébrale, le raisonnement, l’éléphant le côté instinctif, animal. Si l’éléphant est attiré, vraiment attiré, par une tablette de chocolat par exemple, difficile pour le cavalier malgré tous ses atouts de le faire changer d’avis (montrer la voie à l’éléphant, convaincre le cavalier, etc.). Cette métaphore, brillamment illustrée et explicitée dans le livre, fonctionne très bien. Comment concilier ce que le cavalier souhaite et apprendre à l’éléphant à s’engager plus naturellement dans la même voie. Là, je le vends très mal. Dîtes vous que cela fonctionne bien.

Deuxième idée importante du livre : les grands changements viennent de petits changements. Petits changements, grands effets. On reprend les préceptes qui nous permettent de mener l’éléphant (montrer un chemin évident, donner un but précis), et on l’applique sur des choses peut-être mineures mais qui grandiront. Depuis une ou deux années, je suis convaincu de cela (petits changements, grands effets), et ce livre vient comme clôturer, acter, cette réflexion interne, de façon brillante.

A lire donc…

en anglais.

Lean Startup, Eric Ries, 2012

Un bouquin jouissif : on le déguste. Un bouquin qui donne envie dès le lendemain de lancer une startup, même au bluff… Un bouquin tout à fait adapté aux startups de la Silicon Valley, moins à notre éco-système français. Passionnant néamoins. Revalorise les indicateurs chiffrés que l’on avait -avec raison- éjectés de nos projets. Mais pas les mêmes indicateurs : des indicateurs férocement ancrés dans le réel (amène donc à repenser les indicateurs). Ramène les cycles du feedback à leur plus juste expression, comme une respiration, on fabrique, on montre, on apprend, si tu arrêtes de respirer, tu meurs. Une lucidité étonnante, une approche totalement ancrée dans la réalité, l’antithèse de la recherche fondamentale (donc très orienté, mais il faut de tout pour faire un monde). Ca marche ? je persévère, ça ne marche pas ? je pivote. L’apologie des tests A/B : je propose deux versions de mon produit, laquelle marche la mieux ? Sur quoi je base le succès de mon produit : le bouche à oreille ? la fidélisation ? Comment d’abord satisafaire les “early adopters” puis gagner le coeur des suivants ?

Plein de questions, plein de réponses, dont vous pouvez penser qu’elles ne sont valables que pour les startups web de la Silicon Valley, mais qui ne tente rien n’a rien.

en anglais.

La Process Communication, Gérard Collignon, 2005

Ah la “process comm”, proposé par l’américain Taibi Kahler, se basant -dans le modèle de pensé sur les archétypes junguien, a été utilisée -par exemple- par la NASA pour constituer au mieux les équipages des navettes spatiales (son haut fait d’armes que la Process Comm met systématiquement en exergue). La Process Comm c’est 7 profils types : travaillomane, perservérant, promoteur, rebelle, empathique, rêveur. Chacun de nous a une “base” qui repose sur l’un de ces profils (cette base se fixe vers 7 ans). Puis nous avons une phase -disons dominante-. Par exemple je pourrais être base “persévérant” et en phase “promoteur”. Je résume hein (et je ne vous détaille pas les caractéristiques de chaque type, il faut lire, d’autant que les noms ne sont pas forcément révélateurs). En fonction de votre type vous réagirez, vous communiquerez de telle ou telle façon, en mode “normal”, en mode “stress”, selon le contexte cela sera vos caratéristiques de base ou de phase qui fonctionneront. L’intérêt ? Adapter sa communication au mieux aux profils aux antipodes des notres, comprendre que ce qui peut paraître excessif pour certains, est tout à fait normal pour d’autres, à l’inverse, qu’un petit mot chez certains veut dire beaucoup. Comprendre aussi pourquoi cela “passe” aussi naturellement avec certains.

Au delà de ces bases & phases d’autres axes de lectures viennent compléter l’analyse.

Qu’en penser ? C’est intéressant, indéniablement. Il y a des personnes qui vont intuitivement comprendre tout cela, et jouer avec tout cela sans même avoir à lire ce livre ou à s’intéresser à la Process Comm. Pour d’autres cela sera la clef à de nombreuses incompréhensions.

Retenons une idée forte : en cas de crise (c’est dans c’est cas qu’il faut être équipé) ramenez la communication à de la méta-communication. C’est à dire n’entrez pas directement dans le coeur du sujet, rassérenez les personnes en ramenant avant toutes choses le sujet à la communication : “je vois que cela te met dans un état pas possible, prenons un moment au calme pour en parler”.

L’important n’est pas trop dans la connaissance de cette approche, mais dans le fait qu’elle soit connue par tous ceux qui vous entourent, du coup cela désamorce bien des incompréhensions.

Voilà ainsi un bouquin intéressant sur un phénomène très en vogue actuellement : j’ai même vu des gens lirent ce bouquin dans le métro ! Il y a de nombreuses autres écoles assez proches, celle-là jouit d’un bon succès. Pourquoi pas ?

en français.

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