Mooooney !

La questions des primes et objectifs se posent aussi chez Smartview, à 9.

Dans la sphère du management agile la question des primes et des objectifs revient régulièrement. Les positions avancées (ou que je juge avancées)  à ce sujet proposent tout simplement la suppression de ces artefacts. Naturellement en tant que agiliste *et* associé, donc manager au sein de Smartview c’est une question que je me suis souvent posée : faut-il garder des primes et objectifs ou non, et pourquoi ?

Expérience personnelle

Mon expérience personnelle confirme la tendance “agile” : il faut les supprimer. Pourquoi ?

Aujourd’hui nous sommes 9 c’est très peu mais c’est déjà un petit monde.

Je ne vais pas en dire plus que Dan Pink dans son livre Drive, juste confirmer ses hypothèses.

J’ai pu observé que si nous affections des primes liées à des objectifs, celles-ci brouillaient l’image d’appartenance à notre société, à sa vision, à ses objectifs globaux et à plus long terme. Brouiller dans le sens où des objectifs à long terme ou des actions de fond étaient systématiquement écartées ou minorées pour répondre en premier lieu à l’objectif lié à une prime. Celui-ci étant nécessairement plus “court-termiste” plus qu’il permet de faire le calcul : “si on a cela, on obtient cela”. Ceci ne se restreint pas aux profils dit commerciaux.

Inutile d’augmenter la prime liée aux objectifs à plus long terme pour palier à cette problématique. Comme ils sont plus lointains, moins “cernables”, et surtout qu’ils demandent un engagement, une anticipation forte, ces objectifs sont trop facilement écartés : trop de risques, pas assez de visibilité. On préfère le cumul de petits objectifs on l’on possède une certitude plus grande de succès.

Quitte à y perdre au final. C’est là tout le drame pour une petite société comme la nôtre.

Si j’ai un salaire et des primes, je travaille pour mes primes.

Si j’ai un salaire et une vision, je travaille pour ma société.

Mais vision et objectifs pointent dans deux directions différentes.

A nouveau en écho à Dan Pink, avec des objectives et des variables on a l’impression que le salaire est complètement évacué. Une tendance gloutonne qui fait que tout devrait être soumis à une prime. Pourquoi ferais-je cela je n’ai pas de prime à ce sujet ?

Ou pire encore : avant j’avais une prime pour faire cela, il est hors de question que je le fasse désormais sans prime. D’autant que assez souvent si le variable n’est pas versé à 100% cela génère une incompréhension. Étrange quand on connaît la signification du mot variable.

Je n’en veux à personne, et je comprends complètement le mécanisme qui se met en place. On est en train de parler d’argent, donc de niveau de vie, de confort, etc. C’est fondamental (que personne ne me fasse le coup de “l’argent ce n’est pas important”, si c’est le cas c’est qu’il gagne trop, tant mieux pour lui mais qu’il ne vienne pas polluer nos débats). Donc les raisonnements de survie : mon confort, ma stabilité (mon salaire) prenne le pas sur le sentiment collectif d’appartenance à la société. Si je fais cela je rendrais service à la société mais je perdrais en confort personnel. Une fois, exceptionnellement deux fois, mais souvent c’est intolérable. Je ne peux que le comprendre. ( Sauf si c’est gagnant/gagnant me dîtes vous : ce qui profite à la société me profite. Vous évoquez l’intéressement, la prise de participation, etc. Oui cela parait plus constructif. Je n’ai pas encore pu les mettre en place donc observer là aussi des effets de bords potentiels. Je reste dubitatif sur l’intéressement : cela me parait à l’encontre de la notion d’égalité : avec deux engagements très différents on obtient le même résultat. C’est bizarre. )

Parasitage, détournement

Inutile de préciser aussi que les discussions autour des objectifs ou des primes/variables viennent elles aussi complètement parasiter les vrais dialogues de fond. A ce sujet, on est souvent obligé en parlant objectifs et variables de définir le “comment”. Autant -pour ma part- je souhaite que la stratégie de la société reste entre les mains des fondateurs (qui écoutent d’ailleurs beaucoup autour d’eux) autant les aspects tactiques : la mise en oeuvre sur le terrain devraient rester l’apanage de ceux qui justement les mettent en oeuvre. C’est la dichotomie entre les sociétés “How”(comment) et les sociétés “Why”(pourquoi) pour reprendre la terminologie de “freedom inc” (Getz & Carney). Il faut (nous les décideurs) donner notre stratégie, le pourquoi, le vers quoi, etc. et laisser la liberté à chacun de mettre en oeuvre cette stratégie. Or trop souvent l’objectif nous oblige à définir le comment et donc nous fait perdre en souplesse, en créativité, en responsabilisation, en autonomie, etc. Et l’autonomie, cela ne veut pas dire que les gens feront n’importe quoi. Si nous réussissons à être des leaders(*) plutôt que des managers(*), nous seront écoutés.

Bref, mon analyse me pousse à vouloir supprimer toutes les primes. Et potentiellement à augmenter en contre-partie les salaires (pas forcément au niveau salaire+prime, mais de trouver un arrangement intermédiaire). Sans prime, je donne une respiration, le droit à la procrastination. Je pense que c’est là toute la richesse. Comme nos ancêtres mi-singes mi-hommes qui soudainement se lèvent dans savane pour voir plus loin (et cela change tout : position debout, le cerveau grossit, on repère les dangers en amont, etc.).

J’imagine que les débats reviennent au fondamentaux : vers quoi allons *nous* (la prime étant individuelle elle interdit ce *nous*).

Mes associés me rétorquent : oui mais sans prime personne n’est poussé à avancer dans le bon sens. Certains pourraient “s’endormir”. oui, mais a) rien n’empêche quelqu’un avec des primes à s’endormir aussi, b) rien ne nous empêche de les licencier dans ce cas. Autant je pousse à ce que chacun se sente libre de quitter la société si il le souhaite (les salariés concoivent trop peu cela). Autant il ne faut pas hésiter à mettre fin à une collaboration, mais cela ne veut pas dire dès la première baisse de régime ! qui n’a pas de baisse de régime ??? Cette question du licenciement est cependant vraiment problématique en France. Elle n’est pas aisée et elle est coûteuse, surtout pour une petite structure comme là notre.

Une autre option consisterait à augmenter tellement les salaires que l’absence de prime deviendrait anecdotique (car le confort et la survie seraient largement assurés). Malheureusement l’entreprise ni survivrait pas et cela serait vraiment un choix “court-termiste”.

Je n’ai pas supprimé les primes car mes autres copains/associés ne partagent pas pour l’instant mon avis. Si j’y arrive je vous parlerai des effets de bords de l’absence d’objectifs et de variables car une chose est sûre : rien n’est simple.

 Au plaisir de vous lire à mon retour de vacances

* manager veut dire chef, mais le mot en anglais passe plus facilement, allez savoir pourquoi.

* leader veut dire meneur, mais le mot passe en anglais passe plus facilement, allez savoir pourquoi.